Bien que, comme indiqué en section 1, la communauté scientifique ait tendu à minimiser la
significativité du phénomène ovni, certains scientifiques individuels ont défendu que le phénomène est à la fois réel
et significatif. De tels points de vue ont été présentés aux Auditions
du Comité de la Chambre sur la Science et l'Astronautique s1[Roush, 1968] et dans le
livre de Hynek (1972). Il est également notable que l'une des
principales sociétés scientifiques nationales, l'Institut Américain d'Aéronautique et
d'Astronautique, ai mis en place un sous-comité en 1967 afin d'acquérir
une perspective fraîche et objective sur le phénomène des ovnis
. Ce sous-comité publia une déclaration de position s2[Kuettner, 1970] et soutint la publication d'analyses de 2
cas d'ovnis s3[McDonald,
1971] [Thayer, 1971], dont chacune fut
considérée par l'équipe Condon. Les versions de l'AIAA de ces cas sont plus
détaillées que celles trouvées dans le Rapport Condon et sont
clairement basées sur des données plus détaillées.
Dans leurs déclarations publiques (mais pas nécessairement dans leurs déclarations privées ; voir s4[Sturrock, 1978]), les scientifiques expriment une attitude généralement négative envers le problème ovni, et il est intéressant d'essayer de comprendre cette attitude. La plupart des scientifiques n'ont jamais eut l'occasion de se confronter aux éléments ayant trait au phénomène des ovnis. Pour un scientifique, la principale source d'information dure (autre que ses propres expériences ou observations) est fournie par les journaux scientifiques.
A de rares exceptions, les journaux scientifiques ne publient pas de rapports d'observations d'ovnis. La décision de ne pas publier est prise par le rédacteur-en-chef sur conseil des reviewers. Ce processus s'auto-renforce : le manque apparent de données confirme la vision qu'il n'y a rien dans le phénomène ovni, et cette vision va à l'encontre de la présentation de données pertinentes. Si un phénomène bizarre est rapporté — parfois en termes colorés et émotionnels — dans la presse populaire, et si des récits sobres du même phénomène ne sont jamais documentés dans des journaux scientifiques, on pourrait comprendre que les scientifiques en viennent à penser que les rapports sont faux : au mieux, des méprises d'objets et phénomènes familiers, et au pire des canulars délibérés perpétrés sur un public sans sens critique.
Tout scientifique consacrant un petit peu de temps à enquêter sur le sujet réalisera rapidement que nombre des signalements les plus simples et crédibles peuvent, en fait, être interprétés comme des mirages, ballons météo et autres phénomènes naturels et appareils technologiques. Une étude plus poussée pourrait révéler des rapports dramatiques qui, si on doit les croire, indiquent que la Terre est visitée par les membres d'une civilisation très avancée, qui est par conséquent présumée être étrangère et extraterrestre, voyageant dans des appareils se comportent de manière fantastique. Face à une telle possibilité, le scientifique tend à regarder les implications d'une telle hypothèse. En faisant ses déductions, il a à sa disposition une grande masse d'informations concernant le système solaire, l'univers, les lois de la physique et les conditions dans lesquelles des organismes vivants peuvent survivre. En utilisant ces informations, le scientifique pourrait bien conclure que l'hypothèse doit être rejetée.
Un exemple de ce type d'argument est avancé par Condon lui-même s5[Condon & Gillmor, 1968, p. 28]. Partant de l'assertion qu'une civilisation extraterrestre doit venir d'une planète du Soleil ou d'une autre étoile, Condon argue qu'une civilisation basée sur une planète attachée à une étoile voisine ne mettrait pas en place un voyage pour la Terre avant de savoir si une technologie avancée y a été établie. A partir de cette considération il estime qu'il n'y a aucune possibilité qu'une telle civilisation visite la Terre dans les prochaines 10 000 années. Concernant le système solaire, Condon considère que seules Vénus et Mars pourraient offrir des demeures possibles pour la vie et argue que notre connaissance de ces planètes n'offre aucun élément en faveur de l'existence de civilisations avancées sur ces planètes.
Il apparaît, par conséquent, que la différence d'attitude envers le phénomène ovni de la part des scientifiques et des membres du public pourrait dans une certaine mesure être comprise en termes de demandes plus strictes d'éléments et de preuves par les premiers, et en partie par la grande quantité d'informations disponibles aux premiers qui tend à arguer pour l'interprétation en termes familiers et contre une explication en termes de civilisations extraterrestres. Cependant, il pourrait bien y avoir d'autres facteurs influençant les attitudes des scientifiques, tels que la peur du ridicule. D'autres commentaires pourraient être avancés concernant les attitudes de groupes particuliers de scientifiques. Pour exemple, les physiciens semblent attacher de l'importance à de seuls cas concluants : l'évolution de la physique est marquée par des jalons tels que la démonstration de Thomson de la nature de particle des rayons de cathode, la démonstration de Davisson et Germer de la nature ondulatoire de l'électron, etc. Cette attitude est, en fait, capsulated par un cas hypothétique de Condon qui convaincrait tous les scientifiques que les ovnis sont des vaisseaux spatiaux d'une civilisation extra-terrestre s6Condon & Gillmor, 1968, p. 26 :
La question de la RET (Réalité Extra-Terrestre) serait réglée en quelques minutes si une soucoupe volante devait atterrir sur la pelouse d'un hôtel où une convention de la Société Américaine de Physique se tenait, et que ses occupants devaient émerger et présenter un papier spécial aux physiciens rassemblés, révélant d'où ils viennent, et la technologie expliquant comment leur appareil fonctionne. Chercher des questions dans l'assemblée suivrait.
Par contraste, l'information concernant les phénomènes astronomiques est typiquement accumulée plus laborieusement. De plus, l'image émergeant de données astronomiques pourrait pendant de nombreuses années rester non concluante et peut-être contradictoire. Lorsque l'on note également que les observations astronomiques représentent une activité passive, essentiellement différente de la conception et la réalisation d'expériences, on pourrait conclure que l'étude du phénomène des ovnis porte plus de similarités avec la recherche astronomique qu'avec les études en laboratoire des sciences physiques.
Le contraste ci-dessus entre les attitudes des physiciens et des astronomes a été overdrawn afin de souligner un point. La mécanique quantique a émergé de nombreuses années d'études patientes et non spectaculaires des spectres atomiques, et un very short run d'observations radio a été suffisant pour établir l'existence d'une nouvelle classe d'objets astronomiques aujourd'hui appelés "radio pulsars" s7Hewish, Bell, Pilkington, Scott, & Collins, 1968.