Le "phénomène ovni", qui est ici pris comprenant ces événements qui mènent à des signalements d'"objets volants non identifiés", est d'un large intérêt pour le public, mais obtient comparativement peu d'intérêt chez la plupart des scientifiques, qui - à en juger d'après leurs déclarations publiques - perçoivent l'étude de ce phénomène non seulement comme improductive, mais aussi comme non respectable. Un editorial dans Science s1Abelson, 1974 fait référence aux objets volants non identifiés dans une discussion sur la "pseudoscience", qui est qualifiée de "poison intellectuel". D'un autre côté, une étude des membres de la Societé Astronomique Américaine, qui a permis à ses membres d'exprimer des opinions sous le manteau de l'anonymité, indique que les scientifiques sont probablement plus intéressés et ouverts d'esprits pour ce sujet que l'on pourrait en juger d'après leurs déclarations publiques s2Sturrock, 1977.
L'histoire du phénomène ovni aux Etats-Unis est longue et complexe. Jacobs (1975) a donné un récit détaillé de cette histoire jusqu'en en dans son livre UFO Controversy in America. Ce livre présente un récit détaillé de l'origine du Projet du Colorado sur les ovnis, dont ce qui suit est une encapsulation très brève.
La Force Aérienne des Etats-Unis mena 3 études consecutives sur le phénomène
ovni sur une période de 22 ans : le Projet
Sign, de en ; le Projet Grudge de en
; et le Projet Blue Book de en . Bien que
ces études et leurs rapports aient été initialement classés, il apparaît que tous les rapports (à l'exception du
Rapport Spécial Blue Book n° 13, s'il a jamais existé) ont été maintenant déclassés et sont disponibles pour le
public. L'Air Force organisa un Comité Ad Hoc pour Examiner le Projet Blue Book
, et ce comité se réunit en
en . Ses membres furent Brian O'Brien (président),
Launor Carter, Jesse Orlansky, Richard Porter, Carl Sagan, et Willis A.
Ware. Ce comité recommanda que l'Air Force négocie des contrats avec quelques universités sélectionnées pour
fournir des équipes sélectionnées pour enquêter sur promptement et en profondeur certaines observations choisies
d'ovnis.
Cette recommandation finit par déboucher (en ) à un contrat de l'Air Force avec
l'Université du Colorado. Le directeur était le professeur Edward U. Condon, un
physicien très distingué et homme de caractère fort et indépendant.
Le travail sur ce contrat fut mené sur une période de 2 ans avec une équipe scientifique substantielle. Cette étude étant la seule investigation non classée n1Mais voir la section "Postface" de cette présente analyse du phénomène onvi menée par une organisation scientifique établie sous contrat avec une agence fédéral U.S., le rapport de cette étude s3Condon & Gillmor 1968; généralement désignée comme le "Rapport Condon" constitue une pierre blanche dans l'étude du phénomène ovni, à laquelle tout travail ultérieur doit se référer. Par exemple, tout examen du phénomène ovni devant être publié dans un des principaux journaux scientifiques doit commencer par une discussion du Rapport Condon (RC) expliquant où et pourquoi l'auteur est en désaccord avec les conclusions de ce rapport. Plus important encore, toute proposition à l'Air Force ou autre agence fédérale, demandant des fonds pour une recherche sur les ovnis, doit commencer par expliquer pourquoi le Rapport Condon ne doit pas être accepté comme le dernier mot sur le problème.
Il y a eu, en fait, un développement considérable dans la recherche sur les ovnis depuis le Projet Colorado : à cette époque, l'APRO (Organisation de Recherche sur les Phénomènes Aériens) et le NICAP (Comité National d'Enquêtes sur les Phénomènes Aériens) existaient. Depuis cette époque, le MUFON (Réseau Mutuel sur les Ovnis) a émergé en tant qu'organisation encore plus grande pour la recherche sur les ovnis ; le CUFOS (Centre pour les Etudes sur les Ovnis) a été fondé par J. Allen Hynek ; et le CNES (Centre National d'Etudes Spatiales, l'équivalent français de la NASA) a mis en place un petit groupe (le GEPAN: Groupe d'étude des Phénomènes Aérospatiaux Non-Identifiés) avec la charge d'étudier les signalements d'ovnis, dont la plupart sont canalisés vers le GEPAN par la gendarmerie conformément à une procédure bien définie et fonctionnant bien.
2 études qui furent initialement classées, mais ont depuis été déclassées méritent une mention spéciale. Une de
celles-ci fut menée par un panel comprenant Luis Alvarez, Lloyd Berkner, Samuel A.
Goudsmit, Thornton Page, et H. P. Robertson (président), avec Frederic C. Durant et J. Allen Hynek
servant comme membres associés. Ce panel fut rassemblé par l'Agence Centrale de
Renseignement pour une période de 5 jours en afin de considérer la question de savoir si les
ovnis constituaient une menace pour la défense nationale. Le panel conclua qu'il n'y avait pas de preuve que le
phénomène indique le besoin d'une révision des concepts scientifiques actuels
et que les éléments... ne
montrent aucune indication que ces phénomènes constituent une menace phsyique directe pour la sécurité nationale
s4[Jacobs, 1975].
L'autre étude fut menée par le Battelle Memorial Institute, sous contrat avec l'Air Force, de en . Il s'agissait principalement d'une analyse statistique des conditions et caractéristiques des rapports d'ovnis, mais incluait également des transcriptions de plusieurs observations notables. Le rapport de cette étude (Rapport Spécial Blue Book n° 14), qui fut initialement classé, mais par la suite publié, contient une richesse d'information et arrive à la conclusion notable que plus les données sont complètes et meilleur est le signalement, plus il est probable que le signalement reste non identifié s5Jacobs, 1975.
Le Rapport Condon n'est pas un rapport de comité : ce n'est pas un document signé par un certain nombre de scientifiques, chacun ayant sa propre appréhension amis arrivant - en tant que groupe - à une position et une recommandation commune. C'est un rapport de projet, contenant les contributions de l'équipe scientifique et une vue d'ensemble du directeur de projet. Ce fait est crucial et aide à comprendre le contenu du rapport.
Les sections n2[Les sections du Rapport Condon sont nommées "Section CR I,", etc., afin de les distinguer des sections de l'article présent. Les références de pages du Rapport Condon sont dénotées par le préfixe "CR"] CR I et CR II, les "Conclusions et recommandations" et le "Résumé de l'Etude", sont écrites par Condon lui-même. La synthèse de Condon est suivie de 6 synthèses des différents aspects de la recherche, rédigées par des membres de l'équipe, ainsi qu'avec une synthèse de sondages d'opinion menée par l'American Institute of Public Opinion, plus familièrement connus sous le nom de Sondage Gallup. Les résumés de l'équipe sont suivis de 240 pages d'études de cas. Le rapport entier, avec les éléments supplémentaires et périphériques, fait presque 1000 pages de long.
L'impression générale donnée par la synthèse de Condon est qu'il n'y a rien d'anormal ou de significatif dans le phénomène ovni. Cette vue acquiert un poid supplémentaire significatif du fait que le Rapport Condon a été revu par un panel de scientifiques éminents de l'Académie Nationale des Sciences qui a approuvé à la fois la méthodologie et les conclusions du rapport s6Condon & Gillmor, 1968, pp. vii-ix. Nous ne considérerons le Rapport du Panel de la NAS que brièvement en section 5.
Les attitudes de scientifiques envers le problème des ovnis seront discutées en section II. Une vue d'ensemble du Rapport Condon suit alors en section 3. En section 4, nous comparons le "Résumé de l'Etude" de Condon avec les 6 résumés de l'équipe, puis nous comparons chaque résumé de l'équipe avec les études de cas sur lesquelles il a été basé. La section 5 est dédiée à une discussion de la méthodologie scientifique, et la section 6 contient une discussion de l'analyse présente. À l'époque de la révision de cet article conformément au rapport des référés, j'ai saisi l'occasion d'ajouter une courte postface basée sur des éléments publiés par l'Agence Centrale de Renseignement après que cette analyse ait été préparée pour la première fois.
Certains lecteurs pourront être intéressés par la lecture d'autres examens du Rapport Condon. Peu après que le Rapport a été publié, Icarus a porté 2 critiques, une de McDonald (1969) et l'autre de Chiu (1969). Hynek (1972) et Jacobs (1975), dans leurs livres sur le problème ovni, consacrent chacun un chapitre au Rapport Condon.