Je reconnais, M. le président, qu'une opinion, quelle que soit la perspicacité ou l'expérience sur laquelle elle est basée, ne constitue pas pour autant une preuve catégorique s1Hynek, Josef Allen : Déclaration à la 33ᵉ session de l'Assemblée Générale de l'ONU, sous les couleurs de La Grenade, 27 novembre 1978
La compétence (la formation, les responsabilités, la profession) d'un témoin ou d'un enquêteur est parfois avancée pour accréditer (ou plus rarement réfuter) la thèse qu'il défend. Cet argument n'est cependant pas pertinent en soi, puisqu'aucune compétence n'est infaillible ni générale.
On remarquera qu'il est utilisé lorsque le fond des autres arguments ne porte pas ses fruits. (il masque le propos en lui-même), et qu'elle peut tout aussi bien être utilisée dans un sens négatif que positif.
La première erreur consiste à considérer que quelqu'un de compétent est quelqu'un qui ne se trompe jamais. La compétence ne serait pas qu'un moyen (un ensemble de connaissances et d'expérience permettant de se forger un avis) mais une fin (un avis toujours bon) garantissant une autorité. Or, on sait que des gens bardés de diplômes se sont déjà trompés n1Des docteurs pensent encore que le soleil tourne autour de la terre par exemple s2"Galileo Was Wrong: The Church Was Right" Le docteur François Braun (chirurgien international à Paris, expert judiciaire en odontologie légale et anthropologie médico-légale et le docteur Josiane Pujol) indiquant que l'autopsie de Roswell est très probablement authentique.
Quelqu'un disposant d'une compétence particulière dispose évidemment d'un avantage sur celui qui ne l'a pas. Ses connaissances, son expérience et ses réflexes méthodologiques comme analytiques, acquis dans son domaine d'expertise, lui permettent de construire rapidement des arguments fondés sur un corpus qu'il connait mieux qu'un néophyte.
Mais une fois élaborés, les arguments d'un expert et d'un néophyte doivent être évalués en tant que tels, et non pas en fonction de la personne, l'expérience ou la connaissance qui les a produits.
Ainsi, et même si l'on peut augurer d'une probabilité en faveur du premier, un spécialiste peut se tromper comme un néophyte. Plusieurs spécialistes aux niveaux de compétence comparables peuvent avoir des avis différents. Nul n'est infaillible.
On ne doit donc pas évaluer un argument sur son origine, mais son contenu.
La compétence offre un fondement accréditant telle ou telle capacité physique ou intellectuelle. Il arrive cependant que l'on "fasse son marché" parmi ces compétences dans le but de faire ressortir tel ou tel aspect d'une analyse, voire telle ou telle conclusion.
Par exemple certains avanceront l'expertise et la responsabilité dans le milieu du renseignement de Jesse A. Marcel, témoin de 1ʳᵉ main de l'incident de Roswell, tandis que d'autres invoqueront celles tout aussi grandes (officier de renseignement également, témoin sur les lieux également, etc.) de Sheridan Wear Cavitt. Leurs témoignages se contredisant, les partisans de l'un ou de l'autre présenteront leurs compétences comme, alternativement, conférant une capacité à mentir et à manipuler ou, au contraire, comme provenant de quelqu'un de très informé et au fait des méprises possibles.
Ainsi l'argument d'autorité consistera, paradoxalement, à prêter une qualité ou un défaut à quelqu'un en fonction, non pas de sa compétence, mais de sa position et de celle de son opposant (ou sympathisant).
Connaisseur : spécialiste qui sait tout à propos d'une chose et rien à propos de tout le reste s3Ambrose Bierce : Dictionnaire du Diable
Mais l'argument d'autorité ne se limite pas toujours à interpréter la compétence du témoin. Il arrive aussi qu'on l'avance indépendamment de celle-ci, la compétence n'étant plus spécialisée, mais généralisée à tout domaine d'expertise.
On présentera par exemple un microbiologiste ou un juge comme quelqu'un de "sérieux" et crédible dans l'absolu, c'est-à-dire indépendamment du domaine de compétence en cause. De cette manière, un astronome pourra être présenté comme pouvant avoir un avis autorisé sur les dérives psychologiques d'un témoin, etc. En vérité un biologiste sera tout aussi désarmé qu'un témoin lamba face à une observation étrange un soir d'été, et le plus réputé des psychiatres ne sera apte à analyser une photo d'ovni.
On notera enfin que, puisque le principe est faux, son application opposée l'est aussi : on ne peut réfuter un argument sur la seule base d'une absence de compétence, quelle qu'elle soit.
Karl R. Popper rappellera que le rationalisme se doit de (se) refuser tout argument d'autorité, car fondé autant sur sa raison que sur la raison des autres, quelle que soit son autorité supposée et difficile, finalement, à évaluer.