Le phénomène SV, remarque justement Méheust, défie la loi des grands nombres : jamais on a capturé un ovni ou un occupant, ni même pris une photo rapprochée. Les ufologues s1Méheust 1978, pp. 195, 260 s2Méheust 1992, p. 50, 79, comme d'ailleurs certains parapsychologues, ont défini cet aspect des cas spontanés comme un jeu caractéristique et mystérieux d'ostentation-élusivité.
n1Il n'en fournit cependant aucune explication. Il n'y a pas là le moindre mystère, et encore moins de censure à la Freud. La créativité est toujours involontaire : j'en vois de bons exemples en sciences humaines où les chercheurs échappent rarement à l'effet d'expérimentateur (mais font effectivement tout pour le forclore), et en parapsychologie où les chercheurs obtiennent rarement des effets psi (mais ne s'intéressent effectivement guère à leurs échecs). Autrement dit, bien que les fantasmes soucoupistes soient parfois matérialisés, ils n'en restent pas moins des rêves, incompatibles par nature avec la conscience de veille. Méheust constate qu'il y a d'autant plus de traces physiques d'ovnis que leur teneur symbolique est faible s3Méheust 1978, p. 296. Mais c'est le cas de tous les phénomènes psi en situation expérimentale, de toutes les significations insolites que l'on veut pleinement saisir. On ne peut à la fois regarder un texte, un tableau ou une action symbolique en tant qu'objets et se les imaginer en tant que tendances n2On ne peut de même se mettre en situation de création et simultanément s'observer. Il est évidemment facile de photographier une foudre globulaire à 100 m ; à 1 m, on pense à sa peau et, dedans, on ne peut que fantasmer.
n3Voir dix lignes plus bas sur le rêve lucide : Le problème d'ostentation/élusivité est parfaitement connu des "rêveurs lucides". Le rêve est incompatible avec la conscience de veille. En rêve lucide (où le sujet est conscient de rêver) comme au cours de toute expérience de parapsychologie, il faut concilier une procédure rituelle et une démarche technique. Méheust constate qu'il y a d'autant plus... en tant que tendances. Autrement dit, dans le cas d'un rêve lucide ou d'une apparition purement subjective, le symbolisme est très riche et les données physiologiques recueillies très pauvres. Dans le cas d'une apparition matérialisée, les observateurs sont obligatoirement dans une certaine transe et projettent sur l'apparition, d'où un très fort décalage entre les photographies (à contenu figuratif très pauvre) et ce que les témoins déclarent, parfois de façon contradictoire, avoir vu.Dans une perspective animiste, c'est exactement là le principe d'incertitude de la physique quantique. Mais pas au sens restreint où l'entend Méheust s4Méheust 1978, p. 280 : l'incertitude microphysique ne tient pas seulement à l'expérimentateur, mais aussi à la particule. Comme le remarquait Niels Bohr, on peut décortiquer un être vivant pour en dégager tous les déterminismes ; mais, ce faisant, on le tue. Cette remarque s'applique évidemment à toutes les sciences humaines. Et, peut-être, le plasmoïde est-il un processus quantique macroscopique. On peut d'ailleurs définir un plasma, cet état de très loin le plus répandu dans l'univers (plus de 99% de la matière cosmique), comme de la matière en transes puisque les ions (le viscéral, l'inconscient, l'imaginaire) sont en contact direct avec le monde extérieur, sans l'intermédiaire " musculo-sensoriel " des électrons.
Quoi qu'il en soit, l'approche expérimentale des apparitions est très difficile puisque les participants doivent d'abord se mettre eux-mêmes en transes selon une procédure rituelle qui soit compatible avec une surveillance technique. Elle réussit néanmoins parfois : métapsychistes du début du siècle photographiant des fantômes spirites, rêveurs lucides contemporains et quelques trop rares ufologues qui provoquèrent des apparitions d'ovnis (Viéroudy par exemple).
Les fantômes spirites n'ont, objectivement parlant, que très rarement un grand degré de vraisemblance réaliste. En général (particulièrement au vu des photographies d'ectoplasme) et compte tenu des projections de l'expérimentateur, cette vraisemblance est minimale. Ainsi les corps et les visages peuvent n'être que des masques bidimensionnels sommaires, la fraude étant bien sûr exclue (lire à ce sujet les commentaires très pertinents de Méheust s5 Méheust 1992, p. 102). Et c'est pourquoi, avec les ovnis comme avec les ectoplasmes, les enregistrements diffèrent souvent de ce que les témoins croient avoir vu s6Méheust 1978, p. 302. Fait très significatif, une expérimentatrice aussi chevronnée que J. Alexandre-Bisson notait bien parfois la différence entre ce qu'elle se souvenait avoir vu et les photographies, mais elle n'en tirait aucune conclusion : la preuve matérielle lui suffisait s7Alexandre-Bisson (A.), Les Phénomènes dits de matérialisation, Alcan, Paris, 1914. Il y a là d'ailleurs comme une fatalité de l'expérimentation en parapsychologie. Tant que les chercheurs ne donneront pas la priorité à la modélisation, il y aura toujours des phénomènes paranormaux nouveaux qui les solliciteront, liés aux croyances de l'époque. D'où une fuite en avant, qui fait que le corpus des phénomènes ne cesse de s'accroître sans aucun progrès théorique reconnu par la communauté des chercheurs. Le pire est même atteint avec les expérimentalistes contemporains, qui, à la suite de l'école américaine, ne visent officiellement -en vain- que la reproductibilitén4 alors que la définition même du psi et son caractère irréeductiblement inhabituel. À une exception près : des expériences de rétro-PK (modification du passé) ont été tentées et réussies. Mais de là à faire admettre que tous les PK soient de ce type... n5NB : l'expérience de Libet est du rétro-Pk reproducitble. Elle est comparable, à propos des sciences humaines, à l'expérience de Michelson et Morley pour les sciences physiques. De là à ce que les chercheurs intéressés, sans aucune formation logique, le reconnaissent...