On trouve des témoignages de pluies (ou neige) rouges ou "de sang" dès l'antiquité s1Pline : "Carne pluit.", Hist. nat., 1, II, 57. Nos aïeux, enclins à voir dans tout phénomène de la nature des présages célestes, regardaient avec terreur les pluies de sang. Homère fait tomber une pluie de sang sur les héros grecs, présage de mort pour eux. Plutarque parle de pluies de sang survenues après des batailles, et les attribue aux vapeurs sanglantes des morts allant se condenser dans les nuages. Il pleut du sang à Rome, lors du meurtre de Tatius. Même pluie sanglante à Brescia, où les gouttes rouges tombent pendant 3 jours ; la pluie cesse et le pape Adrien II rend le dernier soupir.
Julius Obsequens nous en a transmis de nombreux de l'Antiquité, comme le fera Charles Fort au début du 20ᵉ siècle.
Les terreurs occasionnées par les pluies de sang redoublaient encore quand d'autres phénomènes apparaissaient. Parfois, pendant les chaleurs torrides des grands étés, le pain semblait taché de sang. Les pommes de terre bouillies, le riz cuit pouvaient aussi être parsemés de taches rouges. Ces prodiges, longtemps incompris et bien propres à effrayer les multitudes, ont pour cause le développement d'un champignon microscopique, qui donne une teinte rosée. Anatole France relate l'épisode de sa découverte :
On connaît le miracle de Bolsène, immortalisé par une des Stanze de Raphaël. Un prêtre incrédule célébrait la messe ; l'hostie, quand il la brisa pour la communion, parut couverte de sang. Les Académies, il y a seulement 10 ans, eussent été fort embarrassées d'expliquer un fait si étrange. On n'est même pas tenté de le nier depuis la découverte d'un champignon microscopique dont les colonies, établies dans la farine ou dans la pâte, ont l'aspect du sang coagulé. Le savant qui l'a trouvé, pensant avec raison que c'étaient là les taches rouges de l'hostie de Bolsène, appela le champignon micrococcus prodigiosus s2Le Jardin d'Epicure, p. 35.
Les lacs eux-mêmes revêtent parfois cette coloration sanglante de la pluie. Tel le lac de Morat, près duquel
Charles le Téméraire fut battu en par les Suisses. C'est le sang des Bourguignons !
disent
encore quelques vieux pêcheurs du lac, quand ils voient rougeoyer ses ondes. Il s'agit en fait d'un film rouge
recouvrant le cal, constitué d'une petite algue, l'ossillatoria rubescens des naturalistes, décrite par De
Candolle s4Clarke 2004.
La neige peut aussi être colorée en rouge s5Philosophical Transactions, 1678 < Annals of Philosophy, New Series 12:93, juillet à décembre 1826, notamment par une algue microscopique, le protococcus nivalis, véritable poussière végétale dont les fragments se comptent par millions dans l'espace de 1 m2.
Certains témoignages ne relatent en fait pas
l'observation d'une pluie, mais simplement ses conséquences supposées : des traces de gouttes rouges sur les murs,
ou des statues (alors décrites comme suant du sang
). Diderot et d'Alembert, dans leur encyclopédie,
rapportent une analyse et explication d'un de ces cas :
Il est très ordinaire aux mouches, et à toutes sortes de papillons, tant diurnes que nocturnes, qu'après s'être dégagés de leurs enveloppes de nymphes et de chrysalides, et que leurs aîles se sont déployées et affermies, au moment qu'ils se disposent à voler pour la 1ʳᵉ fois, ils jettent par la partie postérieure quantité d'humeurs surabondantes, dont la sécrétion s'est faite lorsqu'ils étaient encore en nymphes et en chrysalides. Ces humeurs ne ressemblent en rien aux excréments de ces insectes ; elles sont de différentes couleurs, et il y en a très souvent de rouges parmi les papillons diurnes : telles sont, par exemple, celles de la petite chenille épineuse qui vit en société sur l'ortie.
Les chenilles de ces papillons et d'autres, quand elles doivent subir leurs changements, s'écartent de la plante qu'elles habitent, et se suspendent volontiers aux murailles lorsqu'il y en a dans le voisinage. C'est ce qui a fait qu'on a trouvé contre les murailles ces taches rouges qu'on a prises autrefois pour des gouttes de pluie de sang.
M. de Peirese est, si je ne me trompe, le 1er qui s'est donné la peine d'examiner ce phénomène ; et au mois de juillet de l'an en , on assura qu'il était tombé une pluie de sang. Ce récit le frappa et l'engagea à ne rien négliger pour l'éclaircissement d'une chose aussi singulière. Il se fit montrer ces grosses gouttes de sang à la muraille du cimetière de la grande église d'Aix, et à celle des maisons des bourgeois et des paysans de tout le district, à 1 mille à la ronde. Il les considéra attentivement ; et après un mûr examen, il conclut que toutes les folies qu'on débitait de cette pluie de sang, n'étaient qu'une fable. Cependant, il n'en avait point encore découvert la cause ; un hasard le lui fit trouver. Il avait renfermé dans une boîte une belle et grande chrysalide. Un jour, il entendit qu'elle rendait un son ; il ouvrit la boîte, et il en sortit incontinent un beau papillon qui s'envola, laissant au fond de la boîte une assez grosse goutte rouge.
Il avait paru dans le commencement du mois de juillet une grande quantité de ces papillons. D'où M. de Peirese concluait que ces taches rouges qui paroissaient sur les murailles, n'étaient autre chose que les excréments de ces insectes. Il fut confirmé dans sa conjecture en examinant les trous dans lesquels ces sortes d'insectes se cachent ordinairement. D'ailleurs, il remarqua que les murailles des maisons du milieu de la ville où les papillons ne volent point, n'avaient aucune de ces taches ; on n'en voyait que sur celles qui tombaient à la campagne, jusqu'où ces insectes pouvaient s'être avancés. Enfin, il n'en remarqua point sur le sommet des maisons, mais seulement depuis les étages du milieu en bas ; ce qui est la hauteur à laquelle ces papillons s'élevent ordinairement. D'autres curieux ont fait depuis les mêmes observations ; entr'autres Becman dans une dissertation de prodig. sang.