La difficulté à dégager, des manifestations psi, des lois objectives et applicables conduit à poser simultanément le problème sous un autre angle que celui des sciences positives : celui de l'information d'un point de vue purement subjectif, de la signification de l'événement. L'événement psi a la même signification que le rêve : réalisation de désir, solution symbolique d'un conflit, situation prospective de la psyché du percipient. Outre ses manifestations individuelles (ou reliées à un petit groupe d'individus), il existe des manifestations collectives du psi - apparitions de la Vierge, soucoupes volantes, animaux fantastiques - dont lasignification, "archétypique", est liée aux structures culturelles d'un peuple, voire de l'humanité entière. Le psi collectif peut être alors considéré comme l'objectivation de mythes, une traduction légendaire de ces structures sous forme de récit, mettant en scène des êtres surnaturels s1Eliade M. : Aspects du Mythe, Gallimard, 1963.
Elargissant ses recherches, vers la fin de sa vie, aux peuplades primitives, Freud avait pressenti une dimension
collective à la psyché humaine : Nous postulons l'existence d'une âme collective dans laquelle s'accomplissent
les mêmes processus que ceux ayant leur siège dans l'âme individuelle [...]. Sans
l'hypothèse d'une âme collective, d'une continuité de la vie psychique de l'homme, qui permet de ne pas tenir
compte des interruptions des actes psychiques résultant de la disparition des existences individuelles, la
psychologie collective, la psychologie des peuples ne saurait exister. Si les processus psychiques d'une
génération ne se transmettaient pas à une autre, chacune serait obligée de recommencer son apprentissage de la
vie, ce qui exclurait tout progrès et tout développement
s2Freud S.: Totem et Tabou, Payot, 1973, p.180-181.
C'est à Carl Gustav Jung, et c'est là son apport capital, que devait revenir la mise en
évidence d'une dimension collective de la psyché. Jung constata que les éléments de
certains rêves étaient irréductibles à des contenus personnels et laissaient entrevoir une dimension plus vaste de
l'inconscient. Il commente ainsi un rêve de l'un de ses patients : Cette image passe rapidement, chassée, en
quelque sorte, par une image beaucoup plus impressionnante qui va nous plonger dans la mythologie. Une faille
profonde, une solution de continuité sépare ces deux images du rêve, qui se mouvait jusqu'à présent dans le
domaine des souvenirs et des conflits propres aux rêveurs. Le débat passe soudain sur un plan plus élevé et
atteint aux dimensions mythologiques ; il ne s'agit plus, tout à coup, de la lutte d'une ambition exagérée, visant
à une chaire honorifique, aux prises avec une origine modeste et une étoffe qui conseillerait plus de retenue ; il
n'est soudain plus trace de cela. Nous assistons à un déplacement sur le plan mythique ; notre professeur
devient un Siegfried qui ne se préoccupe plus d'aller à Leipzig mais de vaincre le monstre. Un élément nouveau
apparaît, inexplicable pour le rêveur, qui se trouve soudain transporté dans un monde de fées. Le rêve s'épanouit
sur un horizon plus vaste et relève de couches plus profondes du psychisme. Un destin individuel, humain, trop
humain, se trouve élargi aux proportions d'un problème mythologique et d'une description mythique. [...] Je puis
vous assurer que la pensée de notre sujet n'était pas le moins du monde tournée vers les mythes, les dragons ou
les monstres, ce qui n'empêchait pas ces représentations d'être imprimées en lui, étant inhérentes à tout le genre
humain : il n'est de tribu, de peuple, ou de race où l'on ne puisse en relever la présence. Nous rencontrons ici
une couche psychique commune à tous les humains, faite chez tous de représentations similaires - qui se sont
concrétisées au cours des âges dans les mythes -, couche que j'ai appelée pour cela l'inconscient
collectif
s3 Jung C.G.: L'Homme à la découverte de son âme, Payot, 1963, p.280-298.
L'imagination des hommes d'aujourd'hui n'est autre que la répétition d'une vieille croyance populaire autrefois
répandue. Ce qui surgit dans nos rêves et fantaisies était autrefois coutume et conviction universelle ; ce qui eut
jadis une telle puissance ne peut avoir totalement disparu en quelques générations. La psychologie de l'homme reste
la même, et si la culture varie beaucoup, les lois fondamentales de l'esprit restent les mêmes. Si elle dispose
de sources de toute évidence personnelles, la fantaisie créatrice dispose aussi de l'esprit primitif oublié et
depuis longtemps enfoui avec ses images particulières, révélées dans les mythologies de tous les temps et de tous
les peuples. L'ensemble de ces images forme l'inconscient collectif donné in potentia par hérédité à chaque
individu. II est le corrélatif de la différenciation cérébrale des humains. Là est la raison pour laquelle des
images mythologiques peuvent renaître toujours d'accord entre elles, non seulement dans tous les coins du vaste
monde, mais aussi dans tous les temps. C'est qu'elles existent toujours et partout. Aussi est-il naturel que nous
rapprochions les mythologèmes les plus distants dans le temps et des peuples les plus éloignés d'un système de
fantaisie individuelle. La base créatrice est en effet partout la même psyché humaine, le même cerveau humain qui,
avec des variantes relativement de peu d'importance, fonctionne partout de la même manière
s4Jung C.G.: Métamorphose de l'âme et ses symboles, Georg, Genève, 1973, p. 42-43.
L'esprit humain n'est pas seulement un phénomène isolé et entièrement individuel , mais aussi un phénomène
collectif. [...] C'est cet état de choses qui explique, par exemple, le fait que l'inconscient des races et des
peuples les plus éloignés les uns des autres présente des analogies, des correspondances remarquables, analogies
qui se manifestent entre autre dans le phénomène, déjà souvent mis en évidence, de la concordance extraordinaire
des formes et des thèmes mythiques autochtones, sous les latitudes les plus diverses
s5Jung C.G.: Dialectique du moi et de l'inconscient, Gallimard, 1973, p.63..
On sait que les enfants aveugles-nés ont en rêve des images qu'ils n'ont jamais pu voir et ne verront jamais ; les
esquimaux voient apparaître dans les rêves le serpent, symbole archétypique universel, alors qu'ils n'ont pas vu cet
animal depuis des centaines de générations.
La psyché collective peut être considérée comme une sorte d'"instinct de la race", de psychisme de l'espèce
humaine. On peut le comparer aux structures de comportement des sociétés animales, qui réagissent de façons
instinctuelles, toujours les mêmes. On considère comme un mode de comportement significatif mais non réfléchi une
structure innée que seuls les animaux supérieurs peuvent modifier. Ce schéma se compose d'une part d'une activité
physique et d'autre part d'une représentation ou image de cette activité nécessaire à son actualisation. Si une
autre image est substituée à l'originelle, le comportement peut s'attacher à la nouvelle image, mais en conservant
les mêmes structures instinctuelles. Il en est de même de l'événement psychique humain : quelles qu'en soient les
images, celui-ci se moulera dans les structures psychiques collectives. L'inconscient collectif semble être le siège
de grands courants perceptibles à travers l'évolution des cultures, comme l'élan spirituel de l'an 1000 qui fit
élever simultanément, par des civilisations sans contact, les cathédrales de la chrétienté, les temples d'Angkor-Vat
et les pyramides d'Amérique précolombienne. Plus près de nous, on ne peut raisonnablement considérer les mass-media
comme seuls responsables, en , des explosions de libération individuelle de France, de
Tchécoslovaquie et de Chine. Ni concentré, ni intensif, mais crépusculaire jusqu'à l'obscurité, il y
gagne une extension immense et il renferme côte à côte, de façon paradoxale, les éléments les plus hétérogènes,
disposant - outre une masse inassignable de perceptions subliminales - du trésor prodigieux des stratifications
déposées au cours de la vie des ancêtres et qui, par leur seule existence, ont contribué à la différenciation de
l'espèce. Si l'inconscient pouvait être personnifié, il prendrait les traits d'un être humain collectif, vivant en
marge de la spécification des sexes, fort de l'expérience humaine, à peu près immortelle, d'un ou de deux millions
d'années. Cet être planerait sans conteste au-dessus des vicissitudes des temps
s6L'Homme à la découverte de son âme, op. cit. p.41- 48..
Cependant la psyché collective ne peut guère être considérée comme un être indépendant ; elle est liée au conscient
comme une fonction psychologique compensatoire. C'est un système de régulation de l'espèce qui se manifeste comme un
ensemble de complexes communs à tous les hommes. Comme les complexes individuels, les archétypes se manifestent dans
les périodes d'affect collectif, comme les apparitions ovni matérialisant l'archétype de totalité, lors des
crises de civilisation. L'inconscient collectif est un système de régulation, de compensation à l'échelle
de l'espèce, qui se met en action en cas de nécessité à travers les religions, les mythes, les croyances. Il
existe un système de contrôle pour la planète Terre. Il est
entré progressivement en mouvement à la fin de la 2nde guerre mondiale, quand les anciens Mythes se sont trouvés
usés
s7Vallée J.: Le Collège invisible, Albin Michel, 1975, pp. 240-41.
Les archétypes sont au plan mental ce que les instincts sont au plan biologique de l'être ; ils sont des structures mentales et des représentations, des modèles d'actions et de comportements, de sentiments, d'émotions, de phantasmes, d'idées. L'instinct se met en marche en évoquant dans l'esprit l'image archétypique qui lui correspond, image qui à son tour devient le moteur de l'action et du comportement du sujet. La question de l'origine des archétypes échappe à la science et se rattache aux problèmes de l'origine même des processus évolutifs ; ils sont partie constituante de l'inconscient humain. Pour Caillois, l'archétype plonge ses racines dans les fondements mêmes du vivant : la dévoration du mâle par la mante religieuse serait une ancestrale actualisation de l'archétype du dragon s8Caillois R.: Le Mythe et l'Homme, Gallimard, 1912, pp. 80-83.. La confrontation de la psychologie des profondeurs et de la physique théorique montre que l'archétype serait une structure formatrice de l'univers lui-même s9Von Frantz M.-L.: Nombre et Temps, La Fontaine de Pierre, 1918.. Il n'a pas de contenu "objectif" déterminé une fois pour toutes : il est comparable au réseau d'un cristal, qui préforme la structure cristalline, bien que n'ayant lui-même aucune exigence matérielle. Ces structures se manifestent par des images primordiales archétypiques, communes à toute l'humanité et qui sont à la base de la plupart des attitudes humaines face à la vie. En face de la mort, par exemple ou encore de la rencontre avec l'autre sexe, mais aussi dans toutes les relations humaines en général, s'éveillent en nous des réactions d'une nature typique, qui sont analogues chez tous les hommes dans le monde entier.
Prenant sa source aux origines les plus archaïques de la conscience, la psyché collective s'exprime toujours par le
symbole, mode d'expression primitif de l'inconscient. Dans la philosophie platonicienne, l'archétype est
représenté par une image existant de toute éternité, dont les concepts, les idées, les représentations des hommes ne
sont que des reflets ou copies. Suivant Jung, les archétypes sont comme des prototypes d'ensembles symboliques, si
profondément inscrits dans l'inconscient qu'ils en constituent comme la structure engrammatique. Ils sont
dans l'âme humaine comme des modèles préformés, ordonnés et ordinateurs,
c'est-à-dire des ensembles représentatifs et émotifs structurés, doués d'un dynamisme formateur. Ce sont des
structures psychiques quasi-universelles, innées ou héritées, qui s'expriment à travers des symboles particuliers
chargés d'une grande puissance énergétique. Ces archétypes jouent un rôle moteur et unificateur considérable dans
l'évolution de la personnalité, comme une possibilité formelle de reproduire des idées semblables ou au moins
analogues, ou une condition structurale inhérente à la psyché, qui a elle-même, en quelque manière, partie liée avec
le cerveau. Mais ce qui est commun à l'humanité, ce sont ces structures, qui sont constantes, et non pas les
images apparentes, qui peuvent varier selon les époques, les ethnies et les individus. Sous la diversité des
images, des récits, des mimes, un même ensemble de relations peut se déceler, une même structure peut fonctionner
s10Chevallier J.: Dictionnaire des Symboles, Seghers, 1971, p. XIX.. Les
archétypes sont les formes ou lits dans lesquels, depuis toujours, coule le flot de l'événement psychique
s11Métamorphose de l'âme et ses symboles, op. cit. p.381.. Ils relient
l'individuel à l'universel.L'image primordiale doit incontestablement être en rapport avec certains processus
perceptibles de la nature qui se reproduisent sans cesse et sont toujours actifs mais, d'autre part, il est
également indubitable qu'elle se rapporte aussi à certaines conditions intérieures de la vie de l'esprit et de la
vie en général
s12Jung C.G.: Types psychologiques, Georg, Genève, 1950..
Ce qui serait donné dans l'idée, souligne Gilbert Durand, ce serait son moule affectif et représentatif, son motif archétypal ; c'est ce qui explique que les rationalismes et les démarches pragmatiques des sciences ne se débarrassent jamais complètement d'un halo imaginaire et que tout rationalisme, tout système de raisons, porte en lui ses fantasmes propres. Les images qui servent de base à des théories se tiennent dans les mêmes limites que celles qui inspirent les contes et légendes s13Durand: Structures anthropologiques de l'imaginaire, Bordas, 1973, p.62..
L'archétype se structure par convergence des symboles vers un thème central ; il clarifie et résume le sens élémentaire des symboles qui le structurent. Ce qui différencie l'archétype du simple symbole est aussi son manque d'ambivalence, son universalité constante et son adéquation au schème. La roue, par exemple, est le grand archétype du schème cyclique, car on ne voit pas quelle autre signification imaginaire on pourrait lui donner s14Ibid. p.63.. Alors que les symboles sont riches de sens différents, héritant par là-même d'une certaine fragilité, l'archétype reste universel. Alors que le schème ascensionnel et l'archétype du ciel restent immuables, le symbole qui les démarque se transforme d'échelle en flèche, d'oiseau en avion, et a fortiori en soucoupe volante.
Les archétypes, tout comme les symboles, sont entre eux dans un état de contamination mutuelle et de superposition. Les images archétypiques se prêtent à de nombreuses connexions de sens, révélant un champ aux nuances qualitatives internes s15Durand G.: op. cit..
Un archétype, dont nous reparlerons plus loin, est celui de totalité (essentiellement représenté
par le cercle et le chiffre 4) qui s'exprime figurativement dans la configuration d'un
mandala. Comme l'expérience le montre, les mandalas apparaissent le plus souvent dans les situations de
trouble, de désorientation et de perplexité. L'archétype de cette situation, par compensation, constelle,
représente un schéma ordonnateur qui vient, en quelque sorte, se poser au-dessus du chaos psychique, un peu comme
le réticule d'une lunette de visée, comme un cercle divisé en 4 parties égales, ce qui aide chaque contenu à
trouver sa place et contribue à maintenir dans leur cohésion, grâce au cercle qui délimite et qui protège, les
éléments d'une totalité en danger de se perdre dans un vague indéterminé. [...] La forme ronde, quand elle
constitue un mandala, est un symbole du Soi. Or le Soi est, au point de vue psychologique, l'archétype par
excellence de l'ordre. La configuration d'un mandala répond à un conditionnement arithmétique, car les nombres
entiers sont, eux aussi, des archétypes ordinateurs, de nature primitive. Cela est vrai, en particulier du chiffre
4, la tetraktys pythagoricienne. Comme un état de désorientation provient, en général, d'un conflit
psychologique, la notion de dyade - la dualité synthétisée, à savoir la synthèse des contraires - se trouve
empiriquement relié au mandala
s16Jung C. G.: Un Mythe moderne, Gallimard, 1974.. La figure du mandala, cercle
divisé en 4 ou en ses multiples, se retrouve sous la forme des rosaces des cathédrales, le plus souvent divisées en
douze parties, des quatre points cardinaux, du cycle des quatre saisons, ou plus symboliquement dans le Christ et
les quatre Evangélistes, Horus et ses quatre fils, etc. Jung n'hésitait pas à rapprocher l'évocation de totalité du
4 à la tétravalence du carbone, base des cellules vivantes, faisant par là-même de l'archétype une structure
formatrice de l'espèce. L'archétype de totalité se manifeste dans les rêves lors des périodes de troubles ou de
tensions collectives, lorsque les masses se trouvent en situation psi. L'archétype se présente comme un complexe
collectif autonome qui peut submerger la conscience ; la source de ces expériences numineuses est toujours attribuée
à une région extérieure à la conscience. Les figures de la psyché collective s'expriment par des images protectrices
et salvatrices rejetées dans l'espace cosmique, en dehors de l'âme : Dieux, Vierge,
Esprits, Extra-terrestres, etc. D'une façon générale, les contenus de l'inconscient collectif qui n'ont pas atteint
le seuil de la conscience, tendent à créer des manifestations parapsychologiques concomitantes, en particulier
lorsqu'un tel archétype est activé.
Les soucoupes volantes descendent du ciel et y retournent. Le ciel, symbole universel par excellence, exprime la croyance en des êtres divins célestes, d'une prescience et d'une sagesse infinies. Tout ce qui se passe dans les espaces sidéraux ou l'atmosphère - la révolution des astres, la course des nuages, les tempêtes, la foudre, l'arc-en-ciel - transcende le plan humain. Les extraterrestres supérieurement évolués sont le dernier avatar technologique du mythe de la liaison ciel-terre. Les contenus psychologiques du phénomène sont ceux d'un grand rêve collectif de l'humanité se rêvant dans un état idéal supérieur. Sa structure générale est l'objectivation du mythe dudieu initiateur et sauveur, à travers l'envie d'une révolution technico-spirituelle de l'humanité. Les formes d'apparence technologique des apparitions ovni sont en fait des formes symboliques à forte signification spirituelle. 80 % des rapports d'observation font état de sphères, ovoïdes, cigares, cônes, disques s17Poher C.: Etude statistique des Rapports d'observation du Phénomène Ovni, Gepan-CNES, 1976, p. ll.. Toutes ces formes sont la combinaison à trois dimensions de quatre symboles archétypiques : le cercle, le triangle, la colonne, l'œuf. Le cercle, ou mandala, est symbole d'harmonie, de totalité, de perfection. Le triangle, trinité principielle non manifestée, symbolise la divinité, ternaire cosmique des occultistes. La colonne, source de vie, représente l'axe de la construction, relie les différents niveaux de l'édifice, le ciel à la terre. L'œuf, considéré comme contenant le germe à partir duquel se développera la manifestation, est une réalité primordiale qui contient en germe la multiplicité des êtres. L'ovni prend aussi signification par sa lumière, l'illumination du mystique. La couleur la plus fréquente (30 % des cas selon Poher) est le rouge-orangé ; c'est la couleur de l'équilibre des passions, de l'homme réalisé.
Une observation illustre bien ces thèmes : le , près de Bourgoin, M. et Mme V. circulaient sous la pluie, lorsque Mme V. vit surgir sur sa gauche, au-dessus des collines, un disque lumineux et orange, de 2 fois la taille apparente de la pleine lune, comportant 4 taches noires rondes (disposées en carré à l'intérieur du disque) ainsi que 3 autres taches noires plus petites (au centre, selon un triangle équilatéral parfait). L'objet précéda le véhicule des témoins pendant 10 km ; et lorsque ceux-ci s'arrêtèrent et sortirent de la voiture, il s'immobilisa lui aussi. Après quoi, les témoins reprirent leur route, précédés du disque qui régla sa vitesse sur celle du véhicule, avant de basculer - montrant alors sa tranche - et de disparaître dans les nuages s18Ouranos n° 16, p. 13.. Le sens symbolique de cette apparition est transparent ; on y retrouve le cercle (symbole de totalité), les 3 taches (trinité principielle non révélée), les 4 taches (quaternité révélée ou "soi" selon Jung), enfin la couleur orangée (celle de "l'homme philosophal" équilibré). On se rend immédiatement compte de la convergence de ces quatre symboles qui vont structurer un puissant archétype de totalité. Précisions intéressantes apportées par l'enquête, Mme V. a été le plus impressionnée ; elle dispose d'un don médiumnique, indice d'un sujet psi faiblement individué. C'est elle qui vit l'objet la première, et le disque a manifestement calqué sa vitesse sur celle du véhicule des témoins. Le sens de cette apparition aux contenus essentiellement collectifs, est clair : c'est la propre totalité compensatoire de Mme V, qui s'est matérialisée et lui était liée. II est d'ailleurs intéressant de préciser que le lieu de l'observation croise une ligne électrique H.T. - milieu ionisé propice, quand il est associé à une transe, au développement de "plasma psi" s19Favre F. : "Caractères généraux des Apparitions", in Parapsychologie n° 6, juillet 1978, p.10..
Des comportements incompréhensibles technologiquement ont une profonde signification archétypique ; l'un d'eux,
souvent observé, est la rotation alternative en spirale d'un objet autour d'un autre. Ce
comportement fut très bien observé par des enfants, le , à Evillers : La boule semblait
décrire une sorte de spirale, dans un déplacement rapide, tantôt dans un sens tantôt dans l'autre. En fait, cet
objet semblait formé de 2 parties distinctes, qui se comportaient de façon différente. Au centre, il y avait un
globe vert immobile et, autour de lui, se déplaçait une sorte de satellite qui s'éloignait du globe en tournant
autour et se rapprochait ensuite dans une rotation inverse. [...] On suivait très bien son déplacement, car il
était suivi d'une traînée blanche qui persistait un temps, matérialisant son déplacement. Au bout de la
trajectoire, l'arrêt était brutal et il en était de même au retour. Lorsqu'il arrivait sur la boule verte, il
semblait disparaître un bref instant, le temps d'une seconde, et le départ se faisait à vive allure
s20Tyrode J. : "L'approche du mystère", LDLN n° 127, sept. 1973, p.10.. La spirale,
involution et évolution, symbole collectif par excellence, figure dans toutes les cultures. C'est le motif universel
de la temporalité, de la permanence de l'être à travers les fluctuations du changement. Elle relie incessamment les
2 extrémités du devenir en progrès. La spirale double symbolise simultanément les 2 sens de ce mouvement : la
naissance et la mort initiatique et la renaissance en un être transformé. Pour l'alchimie et la psychologie des
profondeurs, c'est le passage au centre, polarité et équilibre de courants contraires, passage de
l'extérieur conscient au centre de l'inconscient collectif s21Jung C.G.: Psychologie et Alchimie, Buchet-Chastel, 1915, p. 41..
Un type d'objet plusieurs fois signalé, surnommé l'"ampoule électrique", est une sorte de vase multicolore à collet resserré. Fin en , Mme B. avait laissé exceptionnellement la fenêtre et les volets de sa chambre ouverts en raison du beau temps. Vers vingt-deux heures, elle pensa qu'il était temps de fermer et se rendit dans la chambre. En approchant de la fenêtre, elle eut la surprise de voir dans le ciel un objet lumineux, d'une dimension apparente quatre fois supérieure à celle de la lune. L'objet avait la forme d'une poire au contour bien net. Sa couleur était rouge-feu non éblouissant, veiné de bleu, et comportait à la partie supérieure des flammes multicolores. II se déplaçait lentement sans bruit, et disparut après huit secondes environ derrière un rideau de peupliers situé à 200 m s22Documentation personnelle.. Dans cette forme des plus déroutantes, "l'initié" voit immédiatement un symbole puissant : c'est un aludel, creuset symbolique dans lequel l'alchimiste soumettait au feu le mélange où s'opère la transmutation physique, morale et spirituelle s23Psychologie et Alchimie, op. cit.. C'est l'œuf du monde, réalité primordiale contenant en germe la multiplicité de l'être. En psychologie des profondeurs, l'aludel symbolise la dissociation du moi psychique et sa purification par le feu. Ce feu est ici symbolisé par la couleur rouge décrite par le témoin et les flammes multicolores à la partie supérieure de l'objet. C'est probablement de la propre dissociation psychique de la percipiente dont il s'agit, ce que montre son profil psychologique : Mme B. est très nerveuse et semble mener une vie un peu bohème dans un appartement en désordre. Elle affirme disposer, depuis son plus jeune âge, d'un don de précognition, confirmé par ses proches. Sa personnalité semble instable, mal structurée, dissolue, à l'image de l'objet qu'elle fut la seule à observer, malgré la proximité de son mari. Elle fera d'ailleurs, quelques mois plus tard, une nouvelle observation à forte signification symbolique, indice d'une transformation psychique ; Mme B. observa cette fois un anneau fermé de couleur bleue, comportant en son centre un point lumineux. C'est un symbole du passage au centre de sa totalité psychique, un des stades du processus d'élargissement du champ de conscience.
Ces deux symboles dynamiques, la spirale et l'aludel, sont manifestement issus de l'inconscient collectif. Dans le premier cas (la spirale), ce sont de jeunes enfants qui sont témoins ; ils ne peuvent, bien sûr, connaître le symbolisme. Dans l'autre cas (l'aludel, oeuf du monde), la brave ménagère qu'est Mme B. n'a aucune idée de ce que peut être l'alchimie. Pourtant ces 2 symboles sont apparus spontanément, visiblement reliés par les circonstances et le comportement aux témoins respectifs.
Le cercle, forme classique de la soucoupe volante, introduit également l'idée de la roue, du char, du voyage. Les conducteurs de chars sont des messagers, ambassadeurs symboliques de l'au-delà. Les "extra-terrestres" n'ont pas n'importe quelle apparence, ni n'importe quelle fonction. Vallée fut le premier à mettre en évidence des analogies de structures et des constantes entre les récits d'observations de soucoupes volantes et les récits du folklore : les caractères physiques, les comportements et les mobiles des occupants d'ovni sont les mêmes que ceux des personnages, fées, elfes, korrigans du folklore de toutes les contrées du globe. Si les noms et les attributs de ces personnages sont adaptés au contexte socio-culturel de chaque contrée, le thème principal ne varie pas : des entités extérieures à l'humanité se manifestent dans notre environnement et influent sur les civilisations à travers des actions et des révélations surnaturelles. Ces entités vivent dans une contrée fabuleuse inaccessible, Magonia, ciel, enfer, au-delà s24Vallée J.: Chroniques des Apparitions extra terrestres, Denoël, 1972..
Si, à la différence du mythe - répétition d'un événement primordial qui ne peut avoir lieu n'importe où ni
n'importe quand -, le récit folklorique ou conte populaire peut être dit et redit à volonté et en
n'importe quel lieu, il est comme lui structuré par les archétypes. C'est une pure production de l'imaginaire des
peuples, dont les thèmes se rencontrent aussi dans les récits de science fiction avec, parfois, les mêmes
résonances alchimiques que nos modernes soucoupes volantes, tel le petit humanoïde de Moselli, dans son engin
sphérique : Une sorte de grand entonnoir de matière grisâtre, rempli d'un liquide qui ressemblait assez à de l'or
en fusion, était suspendu au-dessus d'un trépied. L'être étrange prit le couteau que Densmold avait à sa ceinture
et le jeta dans l'entonnoir. Le manche de bois disparut aussitôt, comme rongé par un acide. La lame d'acier
bouillonna, perdit sa forme, devint une sorte d'éponge, changea de couleur. L'être retira de la cuve le fragment
de métal et le tendit à l'astronome : "Oh, mais c'est de l'argent" s'écria Densmold après l'avoir examiné l
L'extraordinaire individu s'étant fait rendre ce fragment de minerai, le transmuta successivement en plomb, en or
et en platine. "L'unité de la matière ! Ils connaissent l'unité de la matière !" murmura Densmold, presque
hagard
s25Moselli J. : "Le messager de la planète", 1925, in Bertrand Méheust, Science-fiction et soucoupes vo-lantes, Mercure de France, 1978, p. 182-183..
Le thème de l'œuf, ou vase alchimique, est omniprésent dans la science-fiction : Sa coque de cristal était
opaline et légèrement lumineuse ; et le vaisseau orfévré avait un équipage, de toutes petites silhouettes qui ne
mesuraient pas plus de 5 cm. Chose curieuse, Stenton ne discernait ni leurs visages, ni le détail de leurs costumes.
Les figurines étaient indistinctes, floues, comme s'il les voyait à travers un voile
s26Merritt A.: "La nef d'Isthar", 1924, in Bertrand Méheust, op. cit. p.157..
De même, dans les apparitions de soucoupes volantes : Un objet sphérique, aux murs transparents et à l'intérieur
illuminé, flottait, stationnaire, à 5 m environ au-dessus du sol et à 8 m des garçons. A travers les murs de la
sphère, on pouvait voir 4 personnages assis sur des petits tabourets à un pied. Tous portaient une sorte de
costume de plongeur et avaient la tête recouverte de casques ou de dômes, ronds et transparents. Leur apparence
était pour ainsi dire uniforme, y compris leurs vêtements
s27Méheust B. : op. cit. p.157-158..
Le lilliputien et les poucets de nos légendes ne sont pas autre chose que la vulgarisation folklorique d'un
thème éternel que la doctrine paracelsienne de l'homunculus avait largement diffusé dans les milieux cultivés,
homunculus "emboîté" dans la liqueur spermatique, puis emboîté dans l'œuf philosophique des alchimistes
s28Durand G., op. cit. p.239.. Le personnage du nain renvoie, dans une
culture chrétienne, à celui de l'enfant divin, du puer aeternus. L'extra-terrestre (messager divin) est
très souvent un nain. On constate la présence permanente du nain, du thème lilliputien, depuis la nuit des temps,
dans toutes les créations imaginaires des hommes. Ce nain a d'abord les traits d'un double, c'est-à-dire
de son porteur, de celui qui se dédouble. Dans bien des religions, en Inde par exemple, l'âme est ainsi représentée sous l'aspect d'un homunculus, d'un petit homme
s29Jaillat J.J.: "Ma Mère l'Oye sur champ d'ovni", in LDLN n° 176 et 117, juin/septembre 1978..
Cela signifie que la gullivérisation permet le "voyage intérieur", en symbolisant ce que réellement nous sommes. Le
nain représente la possibilité que nous avons d'accéder à ce que nous sommes, à une meilleure connaissance de
nous-même, à ce que nous pouvons devenir. Les nains sont des forces formatrices inconscientes
s30Jung C.G. : Psychologie et Alchimie, op. cit. p.250.. L'extra-terrestre, tout comme le
nain, est essentiellement ambigu, à la fois bon et mauvais ; il illustre les possibilités d'accès aux trésors
potentiels de l'inconscient. On retrouve dans le folklore breton une association symbolique des nains aux métaux et
à la transmutation alchimique : à Carantec, chacun sait que des Korrigans peuplent le rocher qui sert de
soubassement au château du Taureau et que ces petits êtres y fabriquent de l'or ; mais si vous n'êtes pas satisfait
par les quelques pièces qu'ils vous donnent, vous risquez de vous attirer de graves ennuis de leur part s31Jaillat J.J.: op. cit. p.8..
Les nains sont des puissances telluriques associées généralement à des grottes ou cavernes qu'ils sont censés habiter, parfois au diable lui-même, tel le sotré des Vosges. De tels personnages furent parfaitement observés par sept enfants, dans la journée du 4 juin 1970 : taille d'un mètre, ventre proéminent, vêtus d'un tricot rouge barré d'un baudrier noir et coiffés d'un bonnet à cornes. Des traces objectives irrécusables furent relevées après les faits s32LDLN n° 113, août 1971 p.16-19.. Le rouge et le noir sont les couleurs symboliques du feu et de la terre ; la coiffure pointue est celle, traditionnelle, des dieux chtoniques, des lutins s33Jung C.G.: Métamorphoses de l'âme et ses symboles, op. cit p.31.. Les rapports d'atterrissage ovni comportent nombre de petits être noirs au ventre proéminent, de nains aux pieds palmés, velus ou griffus. Quant aux comportements des êtres en question ("coup de la panne", ramassage de n'importe quoi à la hâte, fuite précipitée), ils n'ont d'égaux que ceux - facétieux, burlesques, ou vilains - des nains, lutins et autres farfadets.
Le don réel, en , de 3 galettes sans sel à Joe Simonton par des "extra-terrestres" est à rapprocher de la nourriture des fées qui ne consomment jamais de sel s34Jacques Vallée : Chroniques des apparitions extra-terrestres, J'ai lu, 1974, p.50. Les extra-terrestres de Simonton lui demandent de l'eau pure , la seule qu'acceptent de boire les lutins. L'absence de sel peut alors signifier celle d'un élément corrosif qui pourrait rendre impure la communication avec les hommes ; la collectivité humaine serait donc à un stade avancé de dégagement du Soi jungien de la gangue matérielle. Ce ne serait alors pas le cas pour un événement datant du XVIIᵉ siècle, en Moravie : un matin, la fille du boulanger s'en allait porter des croissants aux habitants du château proche, quand elle se trouva soudain face à un petit homme étrangement conformé. Celui-ci se saisit de trois croissants, mordit dans l'un d'eux, mais le recracha avec dégoût, puis les jeta tous trois au sol et courut dans un bois proche. Un court instant après, une boule de feu s'élevait de derrière le bois et allait se perdre dans le ciel s35Jaillat J.J. : op. cit. p.9..
La bipolarité du symbole laisse pressentir, en face du nain, le géant. Catégorie moins fournie (mais souvent observée), l'extra-terrestre géant - de 2 à 3 m - complète la signification du nain. Un cas extrême est celui de l'humanoïde de 3 m, qui aurait été observé sortant d'un ovni, le 17 avril 1897, dans le Michigan : cet être était presque nu, paraissant souffrir de la chaleur, et aurait brisé la hanche d'un cultivateur. L'impression générale est celle de violence corporelle et verbale, de brutalité. Cette caractéristique du géant se retrouve partout - chez Gargantua, St Christophe, Wotan et dans la science-fiction s36Méheust B. : op. cit. p.135-139.. Les géants instituent la prédominance du matériel sur le spirituel, de l'instinct sur la raison, de l'automatisme sur la réflexion. Le nain en est souvent la miniaturisation, mais il est plus pervers que violent.
Les couleurs rouge et noir de bon nombre d'extra-terrestres géants suggère leur nature symbolique : le feu et la terre, l'énergie pulsionnelle et le monde souterrain. Comme force pulsionnelle, le géant est dangereux, brutal : il risque de surgir à tout moment des abîmes de l'inconscient pour perturber les forces d'équilibration et de régulation du moi. Le cyclope monoculaire ou le borgne Wotan (mot qui signifiait fureur en germanique), traditionnellement lié au monde des instincts et pulsions non contrôlées, apparaît, lui aussi, dans les récits ufologiques. Le continent sud-américain, terre de violence mal contenue, est le lieu de prédilection des apparitions de géants extraterrestres : êtres de deux à trois mètres, rouges ou noirs, avec un, deux ou trois yeux, agressifs et hostiles, menaçants et cruels.
Si ce continent s'accommode de la violence, l'extraterrestre géant européen, surtout lorsqu'il apparaît à un
enfant, se rattachera davantage à l'ange, image céleste de l'archétype du père. Ainsi cette apparition de Domène
(Isère) en 1976 : L'enfant approche un peu. Soudain, une porte s'ouvre sur la gauche de l'objet. [...] Apparaît
bientôt une silhouette de forme humaine, mais de haute taille, environ 2 m. Elle se tient, dès le début de son
apparition, les bras tendus devant elle [...] L'être est vêtu d'une combinaison collante, d'un blanc brillant,
d'où émane une lumière très vive. De grands cheveux blonds, semblables à ceux d'une femme, flottent sur ses
épaules
s37LDLN N° 159, p.13.. Observation à comparer à cette pure production de
l'imaginaire, tirée d'un roman de science-fiction des années 20 : Une silhouette d'homme, rigide, mais deux fois
de la taille d'un homme, les jambes tendues comme un plongeur, les bras menaçants et pointés en avant, les doigts
écartés comme des serres. Un énorme visage sculptural, entouré de grandes boucles dorées, d'une beauté
inhumaine
s38Leiber F. : "A l'aube des ténèbres", in Bertrand Méheust, op. cit. p.39..
On aura noté, au cours de cet exposé, la connotation "initiatique" des significations dégagées ; ce n'est pas un hasard, car la plupart des phénomènes psi archétypiques présentent cet aspect, qui nécessiterait une étude particulière. J'en tiens pour exemple l' "enlèvement" du soldat brésilien José Antonio Da Silva, en 1969. Celui-ci était occupé à pêcher dans une région assez isolée lorsqu'il aperçut des silhouettes de nains masqués qui venaient dans sa direction. Elles lui envoyèrent un rayon lumineux qui le paralysa, et le traînèrent vers un objet posé non loin de là. C'était une sorte de cylindre vertical avec deux fonds plus larges, reliés par des barres verticales. Le malheureux fut introduit à l'intérieur d'un réduit de forme cubique puis coiffé d'une sorte de lourd casque lui blessant les épaules. L'objet sembla décoller et effectuer un voyage assez long, à l'issue duquel le prisonnier fut conduit dans un local où on le décasqua. C'était une sorte de salle en pierre comportant des blocs servant de sièges. José Antonio constata avec horreur la présence de quatre corps humains, inertes, trois Blancs et un Noir. Toute la salle semblait taillée dans le roc et illuminée d'une violente clarté venant de nulle part. Des représentations de diverses choses "terrestres" - animaux, maisons, véhicules - figuraient sur les parois. Une sorte de chef, personnage à longue barbe, était installé à un "bureau" de pierre et examinait les objets personnels du prisonnier, qu'il passait ensuite à une douzaine d' "assistants". L'un d'eux s'approcha du captif avec un récipient cubique en pierre, creusé d'une pyramide renversée. Le récipient était rempli d'un liquide vert que José Antonio fut obligé de boire ; il avait la consistance de l'eau et un goût amer. Une sorte d'interrogatoire eut ensuite lieu au moyen de signes circulaires. Le malheureux avait abandonné tout espoir de revoir la terre et priait en tenant un rosaire qu'on ne lui avait pas pris. L'un des personnages en parut irrité et le lui arracha, alors que l' "assistance" se plongeait dans une discussion animée. Le prisonnier vit alors apparaître un "ange" aux longs cheveux blonds, qui le rassura en excellent portugais et lui transmis un "message" que le témoin (percipient ?) refusa catégoriquement de préciser lors de son récit ultérieur. Cette apparition, qui ne semblait pas avoir été perçue de ses geôliers, s'effaça bientôt. Le captif fut alors de nouveau recouvert du casque qui lui blessait les épaules et "ramené sur terre", dans les mêmes conditions qu'à l'aller. Il sombra dans une demi-inconscience et revint à lui au bord de la rivière, épuisé, hirsute et blessé aux épaules. Quarante-huit heures s'étaient écoulées depuis son enlèvement. Il réussit à se traîner jusqu'à une route, puis à un poste de police où il raconta son histoire s39Inforespace n° 26, mars 1976, p.14-22..
Sur un fond vaguement technologique, en tout état de cause inutilisable, ce récit ne comporte que des thèmes archétypiques : le nain, manifestation incontrôlée de l'inconscient ; l'objet, circulaire à l'extérieur et carré à l'intérieur (mandala ou quaternité révélée) ; la pierre, qui transmute le non-dégrossi en spirituel ; les cadavres, renoncement total au moi et changement d'état ; la lumière violente, illumination spirituelle ; la barbe du personnage central, le "sage" ; les douze assistants, symbole du déroulement cyclique, du monde achevé, nombre des apôtres élus ; la pyramide renversée, image du développement spirituel, point de passage à la vie supra-temporelle ; le vert du liquide, celui de la pierre philosophale ; les signes circulaires, symboles de totalité ; l'ange, expression du sauveur, du rédempteur. L'ensemble du récit n'est autre que celui d'une initiation traditionnelle : il est prélevé un exemplaire de tous les objets pour lesquels il existe un double ; dans le rituel d'initiation, le récipiendaire accepte de céder à la communauté les biens qui ne lui sont pas indispensables. On lui vole sa carte d'identité ; dans les mêmes rituels, le nouveau venu perd son ancienne identité et portera désormais un nom d'initié. On le met en présence de cadavres ; le passage de l'adepte s'accompagne d'une "mise au tombeau", au cours de laquelle il fait vœu de renoncer à sa personnalité ancienne. La nouvelle intronisation de l'adepte doit être soumise à l'épreuve ; croyant sa dernière heure arrivée, le prisonnier égrène son chapelet ; alors apparaît un être bienfaisant qui le rassure, et il se trouve aussitôt relâché. Enfin, on le lie à la communauté par un secret qui fait de lui un initié.
L'analyse symbolique montre à l'évidence que la plupart des apparitions ovni objectivent des processus archétypiques inconscients, qu'elles sont des projections de l'imaginaire collectif. Sous ces apparitions, il y a un mythe en activité : pourquoi l'homme ne voyagerait-il pas dans l'espace puisque des êtres surnaturels - les Extra-terrestres - l'ont accompli avant lui ?
L'impact scientifique de la rumeur ovni a été considérable au cours des trente dernières années. Du bouillonnement intellectuel de centaines de chercheurs "ufologues" sont sorties de multiples idées nouvelles qui élargissent notre vision du monde, même si la plupart s'avèrent finalement sans rapport avec la nature exacte du phénomène. En ce sens, le mythe aide l'homme à dépasser ses propres limites.
François Favre : Autant j'adhère à ton interprétation "onirique" des formes élaborées de manifestations ovni (les conduites absurdes des humanoïdes), autant je reste sceptique concernant leurs formes élémentaires (comme la soucoupe par exemple). Car il existe certainement un groupe d'apparitions à substrat physique simple et directement reliées au psychisme humain, comme l'ont prouvé à la fois les ufologues pour certains ovnis et les métapsychistes avec l'ectoplasmie. Ainsi, le "suaire" ectoplasmique est une constante physique des apparitions fantomatiques ; sa valeur symbolique est donc usurpée. De même, le bourdonnement d'abeille des ovni, leur chute en feuille morte, leur déplacement en spirale ou encore leurs variations lumineuses lors de déplacements ; tout cela appartient, à mon avis, à la "physique" des apparitions aériennes, indépendamment de toute symbolique humaine.
Pierre Viéroudy : Sur les rapports, proposés initialement par Aimé Michel, entre couleur et vitesse des ovnis, il semble qu'on ne les retrouve pas constamment. Cela dit, je suis absolument d'accord avec toi sur l'existence d'un substrat physique indépendant. Mais je ne pense pas que ces caractères naturels se manifestent habituellement de façon majoritaire dans l'ensemble des descriptions. Le problème de fond est le suivant : est-ce qu'on peut trancher entre objectif et subjectif quand on a affaire à quelque chose, symbole ou psi, qui est leur interaction ?
Favre : Il ne s'agit pas de savoir si on peut : on doit, ou on n'avancera jamais. Le principe de ta démarche reste hasardeux tant que, précisément, une recherche sur ce substrat n'aura pas permis de soustraire de l'ensemble de la description tout ce qui appartient à la physique stricte, et d'obtenir ainsi avec certitude un résidu purement symbolique.
Jacques Vallée : Cela soulève le problème des méthodes en ufologie. On a voulu en utiliser une seule. Or le problème est triple : le physique, puis ce qui arrive au témoin - mentalement ou corporellement - quand il s'approche de la source physique, enfin l'aspect social.
Je crois qu'on a besoin d'une méthode différente pour chacun de ces problèmes. Physiquement, on peut dire à ce jour qu'on a affaire à une grande quantité d'énergie (surtout électromagnétique, apparemment) dans un faible volume ; on ne peut guère en dire plus. Quant au témoin, on constate qu'il est en état de choc (désorientation spatiale et parfois temporelle), qu'il a souvent des troubles oculaires (allant jusqu'à une cécité temporaire), un dédoublement de la personnalité, une perturbation du sommeil, des rêves ou du comportement et souvent des effets psi, qui ne semblent pas provoqués par l'ovni mais coïncider avec son apparition. Et puis, autour de tout cela, il y a l'aspect collectif du problème, peut-être indépendant des deux autres : 54% de la population américaine croit. maintenant aux ovni . L'existence de la "croyance" est probablement indépendante de celle du phénomène physique : si quelqu'un démontrait que Jésus-Christ n'a jamais existé, l'impact actuel sur la religion chrétienne serait peut-être nul, car cet impact, majeur, a déjà eu des effets sur notre histoire et notre civilisation. Autrement dit, le problème physique est sans importance du point de vue social.
Ce dont nous discutons doit être replacé dans ce contexte-là. Ainsi, le livre de Méheust, Science-fiction et soucoupes volantes, m'a fasciné. Mais il reste à savoir d'où viennent ces symboles mythiques. Prenons le cas du nain qui est dans une sphère et qui vient du ciel. Que ce symbole soit dans l'esprit des gens, c'est-à-dire que nous ayons cet équipement psychique qui puisse être déclenché en nous-même par une série de stimuli physiques, c'est très joli ! Mais comment cette structure s'est-elle organisée dans l'inconscient collectif ? Peut-être est-ce un événement physique très important dans le passé qui a créé cet archétype, ou encore une influence physique occulte…
Il me parait souhaitable de creuser ce genre de spéculations avant toute interprétation symbolique. Car il y a grand risque, dans le cas contraire, à pousser trop loin les équivalences jungiennes ou freudiennes. Aimé Michel dit souvent que, si la fusée Saturne est certainement un symbole phallique, il n'empêche qu'elle marche !
Un auditeur : J'abonde dans le sens de monsieur Vallée. L'explication archétypique peut en fait s'appliquer à n'importe quoi, par exemple aux missions Apollo ou aux différents objets de cette salle. Cette approche, d'autre part, n'exclut pas la présence, dans les parages de la terre, d'un phénomène extraterrestre réel.
Viéroudy : Les missions Apollo comme les objets de cette salle sont des créations humaines qui, en tant que telles, sont justiciables d'une interprétation archétypique. Pas toujours au niveau de leur forme, je le concède, mais certainement à celui de leur invention et de leur usage. Or on constate que les comportements ovnis sont remarquablement conformes à des archétypes humains déjà répertoriés, ce qui ne serait vraisemblablement pas le cas pour des productions extraterrestres.
Quant à l'hypothèse d'êtres inconnus qui guideraient physiquement les ovni, elle me paraît valoir l'explication des explosions de novæ par une action intentionnelle d'extraterrestres à des fins énergétiques. Elle n'est pas à rejeter, mais il est très peu probable, pour un astronome, que cette interprétation vaille pour l'ensemble de ces explosions. Je rejoins là François Favre concernant l'existence, dans le phénomène ovni, d'un substratum atmosphérique naturel (irréductible au psychisme humain bien que parfois engendré par lui) et justiciable donc d'une approche purement physicaliste, par simple économie d'hypothèse.
J.-L. Rivéra : Je souhaite d'abord, Monsieur Viéroudy, vous exprimer toute l'estime en laquelle je tiens votre travail ufologique. Je me sens donc d'autant plus à l'aise pour vous faire quelques critiques.
Si, dans le dernier sondage Gallup, 54% des Américains croient en l'existence de soucoupes volantes, il y en a quasiment le même nombre à croire en même temps à l'existence des anges. Or, on observe beaucoup plus d'ovni que d'anges volants - ce qui ne devrait pas être le cas s'il s'agissait dans les deux cas d'images archétypiques. D'autre part, les deux extraits de science-fiction que vous avez cités me paraissent sortis de leur contexte, puisque l'un comme l'autre ne proviennent pas de romans faisant intervenir des extraterrestres. Le premier roman, La nef d' Ishtar, se passe dans un lointain passé ; le vaisseau décrit s'apparente beaucoup plus à ceux vus, dans les airs, du temps de Charlemagne qu'à nos modernes ovni et manifeste nettement les préjugés culturels de l'époque où ce livre a été conçu, plutôt que les nôtres. Quant à l'autre livre, A l'aube des ténèbres, il se déroule dans une théocratie de l'avenir, qui se bat uniquement à coups de pseudo-miracles (en fait purement technologiques). Le géant que vous avez décrit est en fait un ange, que des sorciers combattent avec des apparitions de démons. On ne trouve jamais, dans cet ouvrage, des ovni tels qu'ils son[ observés actuellement.
Autre remarque à propos de l'homunculus et des nains : il me semble qu'il n'y a aucun rapport entre eux (si ce n'est la taille.. et encore). Les nains, d'après la tradition, constituent une race vivant parallèlement à la nôtre alors que l'homunculus, selon Paracelse, est une pure création technique de l'homme.
Par contre, là où je me déclarerai entièrement d'accord avec vous, c'est sur l'aspect initiatique des apparitions ovni, en particulier de certains cas d'enlèvement comme celui de Betty Andreasson (enquêté par Raymond Fowler) ou celui de Bébédouro (où l'on trouve, entre autres, une apparition christique).
PV : Croire aux anges, cela veut-il dire que ceux-ci interviennent dans notre vie spirituelle ou qu'ils présentent obligatoirement un caractère matériel ? Quoi qu'il en soit, l'extra-terrestre arrivant en soucoupe me paraît actuellement beaucoup plus plausible pour l'homme de la rue qu'un ange venu à tire-d'aile d'Alpha du Centaure. L'ange est le gardien de la vie intime, il n'a pas de statut public.
Pour les descriptions tirées de la S.-F., mon but n'était pas de leur sous-entendre un contexte extra-terrestre, mais de montrer que certains thèmes propres aux manifestations contemporaines d'ovni figuraient dans l'imaginaire humain, il y a déjà fort longtemps. Ainsi la description ovni du petit être enchâssé dans un oeuf de verre est aussi un thème alchimique qu'on retrouve également dans des écrits de pure fiction, quel qu'en soit le contexte.
Un auditeur : Monsieur Viéroudy semble avoir fait son exposé comme si l'on ne disposait pas actuellement de modèles précis pour justifier l'hypothèse extraterrestre. Ainsi, la théorie MHD de Viton et Petit, ensuite le fait qu'on puisse, selon Wheeler, creuser notre espace-temps habituel pour se déplacer beaucoup plus rapidement en temps réel que la vitesse de la lumière et enfin certaines considérations de mécanique quantique qui permettent d'envisager une synthèse entre parapsychologie et ufologie.
Si la synthèse est souhaitable, l'amalgame que vous faites n'apporte, par contre, pas grand chose.
PV : Quand bien même on parviendrait à construire l'engin MHD de Viton et Petit, cela n'expliquerait pas les apparitions et les disparitions sur place des ovni, ou encore leur dématérialisation progressive.
Vous allez me répondre que les extraterrestres savent "creuser" l'espace-temps ! Lorsqu'on veut expliquer un phénomène encore inconnu ou imaginer une invention future, il est notoire qu'on s'empare toujours d'un domaine de connaissance à la limite de nos possibilités techniques et qu'on extrapole dessus. Regardez Jules Verne et ses bateaux aériens qui fonctionnaient à l'électricité condensée, ou l'actuel laser à qui l'on prête mille merveilleuses possibilités. L'électricité condensée, c'était le fantasme technique de l'époque, et l'on sait bien maintenant qu'un tel procédé ne permet pas de faire voler un engin. Certaines perspectives du laser, a fortiori les applications du modèle MHD (pure théorie !) à une éventuelle technologie astronautique, relèvent du même processus mythogène. Idem pour "l'hyperespace" qui reste une simple fiction.
Je préfère ce que vous appelez un amalgame, critiquable j'en conviens mais basé sur des données d'observation, à une "synthèse scientifique" de pures spéculations, qui ne fait que répercuter les modes du moment.
FF : Je voudrais reprendre les problèmes soulevés par Jacques Vallée. L'indépendance méthodologique, d'abord, des points de vue physique, psycho-physiologique et sociologique ne doit pas sous-entendre que le phénomène ovni pourrait être d'origine extraterrestre ou induit par quelque "collège invisible" de savants terrestres. Ces deux hypothèses sont parfaitement incompatibles, entre autres, avec tout ce que nous savons en psychophysiologie de la communication et en psychologie de l'imaginaire. En tant que parapsychologue, je m'intéresse seulement à la composante psi, inconstante, du phénomène ovni. Par définition, un événement psi a pour origine une intention qui se concrétise en infirmant une loi objective. C'est dire qu'un médium peut toujours, finalement, produire des apparitions matérielles de type extraterrestre. Mon affirmation n'est pas gratuite : 1) cela a déjà été en partie réalisé, entre autres par Viéroudy lui-même, et 2) les ovnis comme les ectoplasmes manifestent beaucoup de propriétés reconnues aux plasmas atmosphériques. Inversement, on sait qu'un plasma de taille importante perturbe la physiologie d'un observateur proche, au point parfois de le mettre en transe et donc en situation de produire en retour des effets PK sur ce plasma. Plasma et témoin constituent alors un tout organique, autonome. Pour moi donc, la bonne ufologie commence par la psychophysiologie.
Ensuite, la question de l'origine des mythes. La réponse a été suggérée par Pierre, à la fin de son exposé : il est d'autant plus stérile scientifiquement de les rapporter à un énigmatique passé physique ou des intentions occultes que l'explication en est immédiate : un mythe, c'est l'idée présente que nous nous faisons du futur. Les images mythiques sont toujours l'effet du futur de l'espèce humaine tel qu'elle l'imagine, et parfois seulement une représentation du passé. Autrement dit, la raison d'un mythe est purement morale. Vous en avez vous-même fourni, monsieur Vallée, un très bon exemple quand vous avez montré, avec d'autres ufologues, que les vaisseaux-fantômes apparus en vague, à la fin du siècle dernier, dans le ciel américain, reflétaient l'idée que la population se faisait d'une technologie aéronautique avancée. Et le fait est que leurs formes tarabiscotées font sourire n'importe qui actuellement, tout comme les conversations "techniques" de leurs occupants.
Il faut donc, en définitive, prendre le problème à l'envers. (Et je sais là, Pierre, que tu me suivras plus difficilement.) Toute image symbolique est d'abord création individuelle. C'est l'avenir, et non le passé, qui en fait un archétype ; c'est la société qui, ultérieurement, en fait une réalité à son niveau. Ainsi se transforme, finalement, l'apparition isolée en une vague collective et, beaucoup plus généralement, l'invention d'un individu en une morale institutionnelle, une technique industrielle ou un comportement instinctif de l'espèce. Le psi - individuel ou collectif - n'a pas d'histoire parce qu'il la fonde. Socialement, on ne peut parler d'un archétype, le raconter, que s'il a fait ses preuves ; il n'existe qu'après coup. Prenons l'exemple frappant de l'évolution des espèces. Une mutation dite favorable est un événement psi d'abord individuel. Sa postérité n'est, par le biologiste, jamais prédite : seulement rétrodite.
Mais les darwiniens, qui ne veulent entendre parler ni de créativité individuelle (de psi) ni d'intentionnalité collective, inventent une histoire autour de cette mutation : son origine serait aléatoire et sa sélection due à une pression aveugle du milieu. Cette histoire est statistiquement contredite par les observations, mais elle est devenue réalité dans nos universités et l'esprit du public parce qu'elle est conforme à l'idéologie causaliste ("technocratique") de l'Occident contemporain. Pour moi, le "mythe ovni", c'est une histoire du même tonneau. Au premier degré, en plus cucul… (Protestations diverses dans l'assistance.)
Pierre Janin : Le débat devient trop vaste… Et comme le temps nous est compté, je suggère, si vous êtes d'accord, de le reprendre en petit comité.
Hubert Larcher : Vous avez parlé, monsieur Viéroudy, de l'aspect hirsute d'un certain personnage, un Brésilien je crois, et de ses blessures après son contact avec des extra-terrestres. Ceci évoque pour moi une constante des observations hagiographiques, à savoir justement le phénomène dit de l'incubation. Un malade par exemple, ou un grand pécheur, va dormir le soir dans une cathédrale, au pied du tombeau d'un saint et, après un sommeil assez particulier, il se réveille le matin. II déclare ensuite qu'il a vu réellement le saint, un saint évêque, par exemple, qui lui a donné un coup de crosse et l'a guéri du même coup. L'on constate alors que le sujet présente effectivement un bleu à l'endroit du coup. Comme la plupart de ces visions sont purement subjectives, l'ecchymose était en fait une "enchymose" d'origine psychosomatique.
Je voudrais donc savoir, monsieur Viéroudy, ce que vous avez tiré de vos tentatives de reproduction ovni concernant l'ambiguïté objet-sujet à laquelle vous faisiez allusion tout à l'heure, et s'il y a eu d'autres recherches expérimentales que les vôtres.
PV : Je peux citer, antérieurement aux miennes, les expériences du général Uchoa, au Brésil, qui avait réuni, en 1967 et 1968, un groupe de sensitifs croyant aux extra-terrestres, dans le but de provoquer des contacts avec ceux-ci. D'après le livre du général, des observations de phénomènes lumineux, tout à fait comparables aux descriptions ovni, ont eu lieu ; mais aucun enregistrement objectif n'a été réalisé (sauf un, très médiocre).
Depuis 1974, j'ai tenté, avec quelques autres chercheurs, de provoquer des apparitions de type ovni. Nous nous mettions en auto-hypnose avec des motivations adéquates, dans ce "sommeil" particulier dont vous parliez, bref en situation psi. Des apparitions ont eu lieu, mais qui n'avaient pas les formes ovni classiques. Elles étaient mimétiques, en ce sens qu'elles imitaient des réalités naturelles, une apparence d'étoile ou une apparence d'avion ; mais elles ne pouvaient être ni l'une ni l'autre, de par leurs comportements (apparitions-disparitions sur place, marche arrière, chutes brutales, etc.). D'où des difficultés d'interprétation. Ce n'est qu'ultérieurement que nous avons compris que les apparitions ovni spontanées avaient une signification beaucoup plus profonde que celles produites, "incubées" expérimentalement. C'est d'ailleurs le cas habituel quand on compare le psi spontané et le psi expérimental (où le conflit est essentiellement scientifique). Les matérialisations que j'ai observées, mimétiques de notre environnement nocturne, me semblent donc liées au contexte affectif de la situation. Et ceci renvoie à la question générale, dont nous débattions, de l'origine et de l'interprétation des symboles.
Par ailleurs, processus élusif bien connu des métapsychistes qui étudièrent les ectoplasmes et qu'a relevé Bertrand Méheust à propos des ovni, les apparitions disparaissaient le plus souvent au moment même où j'allais les photographier, avec un spectrographe de ma fabrication. Voilà donc un autre aspect de l'ambiguïté psychosomatique que vous évoquiez. La quinzaine de photos que j'ai néanmoins obtenues montrent, entre autres, des spectres continus pouvant appartenir à des plasma, mais pas de spectres à raies d'émission intense que prédit le modèle MHD de Viton et Jean-Pierre Petit.
J. Giraud : J'ai participé aux expériences de Pierre et je voudrais citer la plus troublante, obtenue avec la collaboration d'un ufologue corse, M. Dufour, également sujet psi. Le protocole était le suivant : Dufour m'envoyait une enveloppe cachetée que je ne devais ouvrir qu'à une certaine date. Lorsque je l'ouvrais, j'y trouvais le lieu, déterminé par des coordonnées sur carte d'état-major, le jour et l'heure auxquels devait se produire une observation, selon ce sujet psi. L'étonnant, c'est qu'on a obtenu très fréquemment - ces jours-là et à ces endroits-là - des observations faites par des personnes qui n'étaient pas du tout au courant de nos expériences. Ainsi, un jeudi, je reçois l'enveloppe attendue, cachetée et à n'ouvrir que le dimanche. Le vendredi soir, j'avais une réunion de mon groupe ufologique. Lorsque j'arrive à cette réunion, la secrétaire me donne une adresse en me disant : "Il y a un instituteur qui veut vous voir, car un de ses élèves a vu quelque chose." Etant très occupé, je ne l'ai rencontré que 15 jours plus tard. Entre temps, j'avais appris que Dufour espérait une observation sur Montluçon d'un engin en forme de dôme hémisphérique, sombre, avec bourdonnement et lumières clignotantes. Or c'est précisément ce que cet élève avait vu à Montluçon. J'aurais donc pu connaître ce cas avant même d'avoir connaissance de la cible. S'agissait-il de PK ou de prémonition ? Le protocole ne permettait pas de trancher. Mais les expériences sont là : nous avons obtenu 40 % de réussite !
par François Favre, 2003
Je profite de cette réédition sur le site pour informer le lecteur de la mort de Pierre Viéroudy en 2001. N'ayant plus eu, malgré nos liens amicaux, de relations avec lui depuis de nombreuses années, je regrette de ne pas avoir eu l'occasion de faire avec lui un bilan de ses travaux. A défaut, voici quelques commentaires que m'inspirent actuellement cette conférence et ce débat.
La plupart des spécialistes de l'intelligence artificielle (IA) croient que l'intelligence peut se réduire à des algorithmes alors qu'elle est précisément ce qui ne peut se réduire à une causalité analytique. L'intelligence, c'est ce qui invente, qui fait d'un tas un tout, et en particulier conçoit des algorithmes. Jacques Vallée est un spécialiste de l'IA qui se déclare simplement pragmatique : il s'intéresse à l'utilité de l'intelligence. Mais son approche des ovnis révèle bien son physicalisme, avec toutes les interprétations qui s'y rattachent, comme la possibilité d'une influence occulte. Vallée supposait (et suppose toujours) que des causes physiques peuvent déterminer des contenus symboliques. Toute la psychophysiologie de la communication démontre le contraire. Une cause physique peut agir sur le cerveau, certainement pas sur un esprit - qui n'existe que libre et singulier. Un processus matériel n'a, toujours par définition, aucun sens intrinsèque (même si ce processus est codé : le sens d'un code appartient à des sujets). Un symbole n'existe physiquement qu'au moment où il est émis ou reçu ; mais il existe alors pleinement, comme un être vivant, associant un corps (le signifiant) à un esprit (le signifié). Prenons l'exemple d'un livre. Son contenu n'est pas physiquement émis par un auteur et reçu par des lecteurs. Chaque lecteur reçoit mentalement le contenu qu'il émet lui-même. Et socialement, ce sont les lecteurs qui font "vivre" le livre ; sans eux, le livre (du papier qu'on lit) est mort.
Dernier point, qui complique encore les choses en parapsychologie : l'imaginaire étant constitué de tendances et non d'états, son déterminisme ne peut être suivant la relativité restreinte que spatial.
Vallée croit, pour certains cas, à une coïncidence effets psi/ovni, due selon lui à une perturbation psychosomatique induite physiquement par l'ovni. Ce que j'admets aussi. Mais il doute que ça marche dans l'autre sens, que le témoin en transe puisse agir sur un ovni par PK, voire en produire un, comme le médium à ectoplasmes matérialise un rêve (par nature imprévisible : c'est une création) de son groupe expérimental. Et le parapsychologue sait que, parfois, un personnage de ce rêve matérialisé fournit des informations inconnues ou semble lui-même produire des effets PK, exactement comme certains "extraterrestres".
Evacuons la question, secondaire ici, de la matérialité variable des ovnis et concentrons-nous sur la nature et le déterminisme du psi. Par définition, celui-ci est une coïncidence volontaire anticausale. Le psi peut apparaître comme une coïncidence dans l'espace (télépathie, effet PK instantané) et donc comme un processus causal. Mais il est avéré qu'il n'y a alors pas la moindre énergie physique de transmission (la moindre "information") entre l'agent supposé et la cible. Par contre, le psi peut toujours se représenter comme un processus organique temporaire tel qu'un esprit A quelconque rétro-agisse un corps B, quelconque également. J'avais donné tout à l'heure l'exemple d'un livre "vivant". Prenons le cas psi le plus simple, celui de la prétendue télépathie. S'il existait des agents télépathiques, on en trouverait des professionnels. Il n'y en a jamais eu. Alors qu'on trouve des percipients professionnels produisant tous les prétendus types d'ESP. La seule solution, si l'on veut conserver le déterminisme (obligation pour tout scientifique), est alors de supposer que c'est toujours le percipient actuel (réel stricto sensu) qui est son propre agent virtuel dans le futur, lequel agent ne peut évidemment transmettre que des intentions, que du "contenu". Le support d'informations est toujours physique, celui d'intentions toujours moral.
Sur ce dernier plan, je m'oppose à Vallée autant qu'à Viéroudy : une raison morale est de droit finale et personnelle (elle ne peut être l'effet d'une causalité aveugle). Dans un monde imaginaire, c'est le personnel (le sujet) qui surdétermine le collectif (les objets), et non l'inverse. Jung faisait des rêves extraordinaires tout bonnement parce qu'il avait du génie dans ce domaine. J'ai fait moi-même des rêves "archétypiques", mais ceux-ci n'avaient pas le moindre intérêt. C'est simplement qu'à l'époque je m'intéressais à Jung : je faisais inconsciemment des "à la manière de". Ma conviction est donc qu'une même apparition ovni spontanée, si complexe soit-elle, exprime a priori des contenus totalement différents parce que ceux-ci dépendent entièrement des témoins en situation et nullement de structures sociales matérielles (selon Vallée) ou spirituelles (selon Viéroudy). Les catégories fabriquées a posteriori par le sociologue - par exemple le "mythe ovni" - peuvent avoir leur intérêt ; mais elles n'ont rien à voir avec les raisons morales des témoins, toujours singulières, sinon et au mieux comme effets de ces raisons.
La conclusion de ces diverses considérations est que la parapsychologie ne traite pas essentiellement d'événements rares et étranges (du "paranormal") mais vise à développer une interprétation physique de la raison morale. Il y a en physique pure des événements fréquents et d'autres rares, il en va de même en morale. On peut de plus lire la physique de façon morale (l'histoire complexifiante rapportée à la créativité, l'usage politique des techniques, etc.), comme on peut lire la morale de façon physique (décrire son déterminisme final en termes spatio-temporels). Sans rentrer ici dans les détails, on peut affirmer que la raison morale ne peut alors se décrire que de deux façons : soit la fin détermine spatialement ses moyens (c'est l'imaginaire), soit elle les rétro-détermine dans le temps (c'est la subjectivité). Le parapsychologue observe ces propriétés dans des processus qu'il appelle psi.
Bien que je sois jungien de cœur depuis quarante ans, je ne crois pas du tout à la conception archétypique de cet auteur. (Sans pour autant, adhérer à la thèse inverse, tout aussi extrémiste, de Lévi-Strauss qui ne veut voir dans l'archétype qu'une structure logique vide de contenu.) Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que plus un rêve devient cohérent, plus il possède une signification accessible à autrui. De tels rêves sont rares et ne se produisent que dans certaines situations affectives très fortes, le plus souvent pathologiques ou mystiques. Le rêve habituel, lui, est encore moins interprétable, même par le sujet, qu'une fiction cinématographique bâclée par un amateur. En situation ordinaire, un rêve d'apparence mythique est le plus souvent dû à l'intérêt que le rêveur porte de veille aux mythes. Il ne devient vraiment "archétypique" (hautement significatif) que si le sujet de veille éprouve un trouble grave de personnalité et assimile son individuation, l'équilibre de sa destinée à la réalisation d'un mythe (cas de Jung et de ses patients).
D'autre part, Jung qualifie à tort les coïncidences psi d' "a-causales" (elles sont anticausales) et d'involontaires (elles sont seulement inconscientes). Il les rapporte fondamentalement à une activation archétypique. Ce serait justifié s'il définissait cette activation inconsciente comme une pure volonté du sujet de transgresser la causalité, comme une exigence morale de créativité ou encore comme un désir animiste de fusion. Il y voit au contraire le produit d'une détermination transcendante (a-causale et subie par le sujet).
Selon moi, le percipient est toujours volontairement son propre agent quelle que soit la profondeur du remue-ménage symbolique : qu'il s'agisse de rêve ordinaire, de rêve "ESP", de rêve archétypique ou de rêve matérialisé (c'est-à-dire aussi bien une action ordinaire qu'une "apparition psi").
La vie extraterrestre et les voyages interplanétaires ont toujours excité l'imagination humaine, mais ce n'est que très récemment qu'on est allé sur la lune. Le rêve éveillé d'exploration spatiale peut être rapporté à la volonté humaine de maîtriser la nature, qui remonte à la nuit des temps et ne s'accomplira pleinement, si elle s'accomplit, qu'à la fin des temps. Il s'agit donc bien d'un mythe.
D'un point de vue imaginaire (personnel), tout mythe est le motif de sa réalisation ; il ne la précède pas, il coïncide temporellement avec elle. Mais d'un point de vue réel (social), le mythe semble se réaliser progressivement, donc précéder sa réalisation. A cette dernière observation, on peut opposer le fantasme pathologique, comme "l'empire du mal" chez les Américains après l'attentat du 11 septembre 2001, qui succède à sa réalisation et entend faire marcher l'histoire à l'envers.
Maintenant, le phénomène ovni - né en avec l'observation d'Arnold et coïncidant avec les débuts de l'exploration spatiale - est-il à rattacher essentiellement à ce mythe de maîtrise ou même à un mythe quelconque ? Je suis persuadé que non. Car le commun de la population (dont je fais partie) ne connaît pas un seul cas de "contacté" dont l'expérience ait fait notoirement de lui une personne hors du commun, comme un saint, un héros ou un grand scientifique. Qu'une minorité de contactés se sentent mieux dans leur peau après leur "impérience" est possible, mais cela ne relève pas de la sociologie. (On pourrait dire qu'Arnold est devenu un personnage célèbre et que cela correspond à un mythe de notre époque. Mais ce serait jouer sur les mots : un mythe qui vise seulement le présent n'est précisément plus un mythe puisqu'il arrête l'histoire.) Selon moi, le phénomène ovni relève uniquement d'une fascination pour la magie (d'un culte malsain du paranormal) étendue technologiquement aux relations interplanétaires. Les ufomanes n'ont pas du tout la volonté de comprendre le psi, de faire progresser l'astronautique, de travailler spirituellement sur eux-mêmes ou d'améliorer la société ; tout au contraire, ils entretiennent sordidement l'espoir chimérique d'acquérir à moindres frais des savoirs et des pouvoirs sur autrui. On est dans le domaine pur du fantasme pathologique, d'un mythe à rebours.
Qui songerait à attribuer le génie de Bach ou d'Einstein à des entités qui leur seraient étrangères ? Ceux qui pensent comme Viéroudy et Vallée. On n'est plus dans le domaine de la science. Pour y rester, le prix métaphysique à payer est très élevé. Il faut admettre que ce n'est ni un Big Bang ni un Dieu ni même leur association qui a successivement produit les galaxies, la vie, l'Homme et moi-même. C'est la vie affective au contraire qui constitue le chaos initial du monde et qui se différencie progressivement en Pensée et en Matière, en esprits et en corps, en règles morales et en lois physiques.
En pratique, il s'agit pour le parapsychologue de comprendre, en partant de sa propre vie, comment fonctionne celle du monde et de constituer une psychophysiologie générale applicable à une évolution quelconque. L'approche du fonctionnement humain par une causalité physique linéaire (dont la génétique et l'informatique) ou par une finalité extrinsèque (l'Esprit de l'espèce, la société, un groupe occulte, des extra-terrestres ou des dieux), tout aussi linéaire, ne rendra jamais compte de l'harmonie constitutive du vivant. Etant à la fois contrainte et libre, réelle et imaginaire, la transformation d'une nébuleuse affective en signification quelconque - symbolique ou codée, élémentaire ou cosmique - implique un espace-temps circulaire. C'est sur celui-ci qu'il faut travailler.