Le dernier chapitre est directement issu de la lecture d'un livre qui ne parle pas d'ufologie. Ce livre est "L'erreur spirite" de René Guénon. Son auteur est un métaphysicien, tenant d'un savoir traditionnel, mais son texte est intéressant, indépendamment de la forme de raisonnement (métaphysique) qu'il adopte, par l'abondance de données qu'il contient sur le "fait social spirite" au 19e siècle. Le parallèle avec les données sociales de l'ufologie au 20e siècle (brièvement esquissé ci-dessus) est frappant.
Le spiritisme, selon René Guénon, naquit aux USA en n1* selon lui, le spiritisme n'est d'ailleurs pas apparu spontanément. Ce serait un "coup monté" par une secte occultiste. avant de traverser l'Atlantique quelques années après. Il s'agit en fait d'une interprétation particulière (manifestation des esprits) de faits physiques (tables tournantes par exemple) qui restent peu crédibles pour les personnes qui ne les ont pas directement observées. Le succès populaire très large de cette doctrine réside, selon Guénon, dans le fait qu'il s'agissait d'une forme de néo-spiritualisme en réponse au matérialisme croissant du début du 19e siècle. Sans s'opposer au matérialisme ambiant (manifestations physiques de tables, de bruit, de déplacement d'objets, ...) et en accueillant toute espèce d'interprétation spiritualiste (esprits qui guident et sauvent) le spiritisme devenait adaptable à volonté en réponse aux inquiétudes et aux aspirations de chacun.
Le développement social de cette doctrine s'est ainsi traduit par une multitude de groupes locaux de plus ou moins grande importance numérique, avec l'apparition de Fédération, d'unions, d'Instituts nationaux, internationaux, planétaires et l'organisation de Congrès, Conférences, etc. Ces groupements privés rassemblent des personnes de formation scientifique généralement médiocre qui ont souvent essayé d'amener les scientifiques de profession à leurs thèses (Camille Flammarion par exemple) ou de se faire passer pour scientifiques.
A cette fin, ils utilisaient couramment un vocabulaire à consonnance scientifique, en parlant par exemple d'interaction
fluidique
(les ufologues raffolent aujourd'hui de magnétisme
et d'hyperespace
)
sans apporter de preuve convaicantes à l'appui de leur théorie mais dissertant longuement sur L'évidence et la
clarté du spiritisme
. Par ailleurs, les messages "scientifiques" des esprits se sont toujours montrés d'une
grande pauvreté et les médiums qui les transmettaient ne brillaient généralement pas par leurs qualités
intellectuelles (selon R. Guénon).
Par ailleurs, l'argumentatlon spirite était essentiellement moralisatrice et sentimentale car il est réconfortant
de croire à la réincarnation
(comme si cela pouvait rendre le phénomène authentique) et les hommes doivent s'aimer
et œuvrer pour le bien afin de rejoindre les esprits bons.
Enfin, il faut noter que le spiritisme se présentait (à tort) comme une théorie très ancienne ayant ses sources dans toutes les traditions (de même de l'ufologie privée qui a un goût prononcé pour l'archéologie mystérieuse) et que les spirites ont procédé à une relecture et une réinterprétation de la Bible pour y trouver des "preuves" de leur théorie (de même que les ufologues interprètent la vision d'Ezéchiel comme l'atterrissage d'un ovni ; Raël a écrit une nouvelle version de la Bible où les anges sont des extra-terrestres,...).
Les quelques paragraphes qui précèdent pourraient être réécrits en changeant les mots "spiritisme" par "ufologie", "médiums" par "contactés", "esprits" par "extra-terrestres", et l'ensemble deviendrait d'une actualité sociale certaine. Guénon avait noté un développement important de l'impact social du spiritisme à la fin du 19e siècle et le même phénomène semble se produire à la fin du 20e siècle avec l'interprétation des ovnis en terme de manifestations d'intelligences extra-terrestres. Guénon avait aussi noté la présence de certains dérèglements sexuels chez quelques groupes spirites, et, même là, on trouve un équivalent en ufologie (J. Guieu, auteur pornographique, Siragusa, condamné pour violence charnelle (note technique du GEPAN n° 6), ...)
En effet, l'impact du spiritisme a beaucoup décru depuis le milieu du 20e siècle au moment ou apparaissait l'ufologie. On peut donc se demander si les analogies ne correspondent pas en fait à une simple continuité, à une modernisation de la même doctrine. Bien que le support "matériel" ait changé (tables tournantes --> ovnis) les arguments dans le sens de la continuité ne manquent pas. Dès la fin du 19e siècle, certains médiums spirites "situaient" les esprits dans les planètes du système solaire, faisant des visites sur Terre. De plus, certains ufologues, tel J. Guieu, citent couramment les textes qui furent écrits au 19e siècle dans la mouvance du spiritisme, en particulier ceux de Me Blavatski, spirite et fondatrice du théosophisme, Signalons enfin, pour l'anecdote, que Frank Fontaine, "contactés" de Gergy-Pontoise en , nous a déclaré être un ancien spirite.