Le Groupe d'Etude des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés doit en grande partie sa naissance à Claude Poher, ingénieur au CNES qui s'intéresse au phénomène ovni dans les années 1970s. D'abord seul dans son coin, il entame quelques travaux sur le sujet (des études statistiques notamment), puis commence à les diffuser, discutant avec ses collègues pour ouvrir les esprits. Compétent, convaincant, il est la bonne personne au bon moment pour participer à la réponse des autorités françaises à la vague d'observations qui fait rage à cette époque, en . Cette année-là, dans une émission radio de Jean-Claude Bourret, le Ministre de la Défense Robert Galley admet l'intérêt scientifique du problème et indique la marche à suivre pour envoyer les rapports d'observation à Poher, au CNES.
La réponse officielle à un problème ovni qui se fait de plus en plus pressant va alors commencer ainsi à se structurer. en , après une entente entre le ministre de l'Industrie et de la Recherche et les militaires, la Gendarmerie Nationale est officiellement chargée de recueillir systématiquement tous les rapports d'observation d'ovni. Dans le milieu scientifique, Poher recueille les efforts propres à instituer un groupe officiel d'étude du phénomène ovni et soumet une proposition à la Direction Générale du CNES. L'initiative est examinée. Poher use de tout son charisme pour convaincre et fait même jouer l'ensemble de ses relations, y compris auprès du Président de l'Assemblée Nationale de l'époque, Alain Poher. Après avoir passé des protocoles d'accord de collaboration avec la Gendarmerie Nationale, l'Aviation Civile, l'Armée de l'Air et Météo-France, ainsi qu'après un rapport bienveillant de l'IHEDN, la création du GEPAN est acceptée par le CNES.
C'est le que le CNES annonce officiellement la naissance du GEPAN pour étudier
prioritairement les phénomènes aérospatiaux que ses experts n'étaient pas parvenus à identifier
près du CST, sous la
direction de Poher.
En fait pendant les 6 premiers mois Poher est seul avec une secrétaire pour classer les dossiers et répondre au courrier. Malgré l'aide de 4 ou 5 chercheurs bénévoles en France, il ne peut répondre à la demande d'enquêtes sur le territoire à la fin de la vague d'observations, et le manque de ressources se fait rapidement et cruellement sentir.
en , Poher tape du poing sur la table et demande un plus grand soutien du CNES. Hubert Curien l'autorise alors à faire appel au bénévolat de ses ingénieurs et consent à mettre en place un conseil scientifique du GEPAN. Le GEPAN, qui va être constitué d'une dizaine de scientifiques effectuant leur tâche à temps partiel, sera supervisé par ce conseil de 7 scientifiques de haut niveau qui devront se réunir tous les ans en moyenne pour évaluer le travail effectué et prodiguer conseils et recommandations.
Parmi les membres de ce Conseil, on trouve :
Curien et Bignier, directeur général du CNES, adoptent une attitude neutre sur la question des ovnis. En revanche, le travail du GEPAN est soutenu par Gruau s3Bourdais, G.: IUR-4-25. Un certain nombre de particuliers vont également participer aux activités du GEPAN, tels Christian PerrinDeBrichambaut ou Thierry Pinvidic, conseiller pour la documentation.
Poher demande également la participation d'autres scientifiques intéressés par les ovnis, comme Jean-Pierre Petit et Maurice Viton du CNRS, qui ont déjà mené des expériences sur la MHD, une technologie candidate à la propulsion de certains ovnis. Mais le CNRS voit tout cela d'un très mauvais œil : certains d'entre eux, menacés de sanctions par leur direction scientifique, sont contraints à l'abandon et doivent rapidement prendre leurs distances avec le GEPAN s4Petit.
Au cours de sa 1ʳᵉ année d'existence, le GEPAN réalise des travaux statistiques sur plus de 300 rapports transmis par la Gendarmerie et procède à une vérification des études déjà conduites par Poher à titre privé depuis en , ainsi que travaux d'autres ufologues. En décembre, le travail est soumis à la 1ʳᵉ réunion du Conseil Scientifique. Le , ce dernier approuve l'approche interdisciplinaire :
Le Conseil Scientifique recommande la poursuite des activités du GEPAN dans le cadre du CNES avec mission de coordonner la collecte des données à l'échelle nationale et de procéder à l'étude des données. Il recommande que des moyens suffisants soient dégagés pour remplir ces missions.
Cependant, il suggère également l'amélioration de la récolte des cas, de la méthodologie de recherche, des procédures de sélection et d'analyse des données. Il invite le GEPAN à présenter un rapport plus complet à la prochaine réunion et suggère de ne pas publier les résultats :
Le Conseil recommande de garder une grande vigilance quant à la diffusion et la publication des études et des résultats. Il sera consulté avant toute publication.
en , le GEPAN soumet au Conseil un rapport semestriel en 5 volumes de plus de 500 pages. 3 de ces volumes sont consacrés à la description et à l'analyse de 11 cas d'un haut degré d'étrangeté, soumis à une nouvelle enquête très détaillée. Une explication n'est trouvée que dans 1 seul des cas. Sur 354 procès-verbaux transmis par la Gendarmerie et analysés à l'aide de procédures mécanisées, 25 % demeurent inexpliqués. La conclusion du GEPAN est qu'il s'agit de machines volantes d'origine inconnue. Le Conseil Scientifique exprime sa satisfaction quant au travail effectué, recommande de poursuivre ses activités et si possible d'impliquer les ufologues amateurs, afin de créer un réseau de recueil de données.
en les ufologues français recoivent, individuellement, une invitation à une réunion bipartite GEPAN / groupements privés. Si l'objectif officiel est de présenter le GEPAN aux ufologues, on annonce plus officieusement qu'il s'agit d'une sorte de test, pour déterminer avec qui le GEPAN serait le plus susceptible de collaborer.
La rencontre a lieu près du CST, où vient une centaine de personnes représentant plus de 40 associations. Poher présente la structure et les activités du GEPAN, auquel collaborent — outre le Directeur et la secrétaire — une cinquantaine de personnes du CNES, divisés en 7 groupes de travail (intervention rapide, prélèvement de traces, alarmes radars, évaluation des cas, archives nationales, codification et statistiques, simulateur optique SIMOVNI).
Le GEPAN demande alors leur collaboration aux ufologues pour signaler des cas et propose d'instituer des cours de formation pour les enquêteurs. Il offre également de fournir des filtres de diffraction pour les appareils de photographie, afin d'organiser un réseau de surveillance nocturne du ciel. Dans l'ensemble, les ufologues français sont plutôt enthousiastes, à l'exception des 2 extrêmes de l'aile anti-scientifique et cultiste (Jimmy Guieu, Jean-François Gille) qui parle de fanfaronnade et de nouveau Rapport Condon, et de néo-sceptiques (Michel Monnerie, Barthel et Brucker) qui attaquent lourdement les modus operandi pro-ovnis du GEPAN dans les pages de la revue Science & Vie.
Poher en profite pour annoncer son départ du GEPAN, dont le Conseil Scientifique ne le laisse pas publier librement les résultats des recherches.
C'est alors l'ingénieur mathématicien Alain Esterle qui est placé à la tête du GEPAN. À partir de en , celui-ci promeut une activité intense et tous azimuts : plusieurs recherches sur des cas à haut indice d'étrangeté (dont le plus fameux est l'enlèvement de Cergy-Pontoise cette année-là), l'élaboration d'un modèle épistéologique original, la participation à des conventions et rencontres ufologiques à l'étranger, la diffusion d'un fascicule de présentation des activités du GEPAN, un stand au salon de l'aéronautique du Bourget, de fréquentes interviews dans les journaux et à la télévision, et par-dessus tout, la publication des 2 premières Notes Techniques, disponibles également pour le grand public, dans lesquelles sont publiées les activités du groupe : création d'archives nationales, techniques d'évaluation des cas, codes mécanographiques, statistiques élémentaires sur les rapports d'observation transmis par la gendarmerie. Cependant, à la différence de son prédécesseur, Esterle refroidit les rapports avec les ufologues privés et, petit à petit, ceux-ci commencent à manifester de la défiance envers l'organisme.
C'est à ce début de l'ère Esterle que le financement des travaux MHD de Jean-Pierre Petit arrive à sa fin. Petit contacte alors Esterle, en lui présentant ses idées : il adresse au GEPAN un rapport de 200 pages, intitulé Perspectives en MagnétoHydroDynamique, contenant une masse d'idées "brutes". Le GEPAN va alors se révéler sous un autre aspect : celui d'une structure captant les idées et les travaux scientifiques du secteur civil au profit des militaires. Esterle transmet le rapport de Petit à la Direction Générale du CNES et à la DRET, l'organisme de la recherche de l'armée, par l'intermédiaire du général Rouvillois et de Gilbert P., qui s'intéresse toujours aussi activement aux ovnis.
Cependant Petit inquiète et semble peu contrôlable. Alors qu'il aurait pu se rendre indispensable en ne communiquant pas sur ses travaux, il vient de donner ses idées au GEPAN et les organismes militaires qui se trouvent derrière. Ceux-ci, pensant que les idées de Petit suffisent, décident de se passer de ses services. Il suffit de trouver des scientifiques un peu coûtumiers du domaine pour appliquer tout cela. Cependant, personne n'est véritablement compétent en MHD : ni au CNES, ni sans doute au sein de la recherche militaire elle-même. N'oublions pas que la France est restée hors-jeu pendant plus de 10 années, et que Petit a été le seul à poursuivre des recherches sur le sujet dans ses caves successives. De plus le GEPAN a un peu "la bride sur le cou" et est peu contrôlé : il n'a pas de statut bien défini et fonctionne "comme un département", faute d'avoir pu être intégré comme le service d'un département existant.
Esterle embauche alors Bernard Zapoli, un jeune chercheur élève de Petit pour s'occuper à Toulouse des recherches sur la MHD. À cette époque où l'organisme monte en puissance et se voit attribuer des financements vertigineux par le CNES — portant le nombre de permanents de 2 à 10 personnes à plein temps — Esterle passe des contrats avec 2 laboratoires de Toulouse, dépendant du CERT : en particulier le DERMO, dirigé à l'époque par le professeur Thourel et très lié avec l'armée, est chargé de concrétiser une des idées trouvées dans le rapport de Petit. Il s'agit de l'extension d'une de ses expériences réussies en . Toujours présent et toujours discrètement, Gilbert Payan patronne dans l'ombre ce nouveau projet. Cependant l'équipe toulousaine subit un échec, 10 ans après l'équipe que Valensi avait, à l'IMFM, mis sur l'idée que Petit avait su, lui, concrétiser expérimentalement avec brio. Les idées de Petit ne sont pas "piégées", mais la MHD qui est une discipline déconcertante, pleine de chausse-trappes et requiert des masses de connaissances annexes, de l'imagination, du talent.
Henri Bondar, un jeune ingénieur militaire, est appelé à la rescousse. Découvrant qu'il s'agit d'un véritable pillage scientifique, choqué, il prévient Petit et lui remet en mains propres le rapport qui décrit la gabegie menée par Zappoli et Esterle un an plus tôt. Il paiera fort cher cette réaction d'honnêteté intempestive. En attendant Petit est furieux et considère que s'il avait été au cours de ces recherches, il aurait pu résoudre en quelques jours les problèmes auxquels Zappoli a été confronté s5Petit, J.-P.: 1990, p. 90. Il décide alors de faire éclater le scandale et publie dans la revue OVNI-Présence des extraits du rapport. En couverture, on peut lire "GEPAN : une manip' de trop". Le CNES craint le scandale. Il n'est pas dissout, mais mis en sommeil, sous la direction à Jean-Jacques Velasco, un collaborateur d'Esterle au GEPAN. Ce dernier comme Zappoli disparaissent dans des placards et on n'entendra plus parler d'eux, pas plus que de Poher.
Un membre du conseil scientifique, Christian Perrin de Brichambaut, n'accepte pas cette mise à la trappe, après une douzaine de réunions de ce conseil et réclame une ultime convocation, avant dissolution. Il effectuera plusieurs démarches auprès du CNES (reproduction de ces courriers dans s6Petit 1990, pages 127 à 132] mais n'obtiendra jamais satisfaction.
A la fin de en , les Notes Techniques comptent en tout 18 exemplaires :
il est nécessaire de réfléchir soigneusement à la question d'une organisation d'observations avec des instruments spéciaux (...) à notre avis, le stockage actuel des observations des données soviétiques et étrangères justifie l'organisation d'études(15 Février 1980)
(...) nous pensons (Dr Condon) que tout scientifique, nanti de la formation et de la compétence requises, présentant un programme d'études déterminé et clairement défini, devrait être soutenu.
Au cours de ces 5 premières années, le GEPAN a développé des méthodes scientifiques de collecte et d'analyse de données indépendantes. Les données observables sont constituées par :
Le GEPAN aura également effectué des recherches effectuées dans le cadre des statistiques différentielles, pour définir des caractéristiques typologiques du phénomène, la définition des principes méthodologiques et à l'étude du rôle des médias de masse, ainsi que des expériences de propulsion MHD et la psychologie des perceptions sensorielles.
en , le GEPAN ne correspond donc clairement plus à l'image que le CNES souhaite donner de ses services. Plutôt que de risquer une confrontation ouverte avec le public et les médias traditionnellement assez attachés aux ovnis, les autorités choisissent la douceur. Après avoir subi de vives critiques — l'organisme s'avère extrêmement prudent sur la réalité des ovnis ce qui irrite nombre d'ufologues — qu'il considère comme injustifiées, une réforme du groupe est menée. Le Conseil Scientifique ne se réunit plus et le nouveau directeur, Jean-Jacques Velasco, n'a plus de comptes à rendre à qui que ce soit, hormis sa hiérarchie. Sous sa direction le GEPAN, mis à part quelques interviews télévisées, tient un profil bas.
A partir de 1984, les fonds alloués au CNES subissent de larges coupes, et le GEPAN entre en phase de sommeil : non seulement le Conseil Scientifique n'est plus convoqué, mais les Notes Techniques ne sont plus publiées, pas plus que les résultats des recherches et des études.
En France, les cris d'alarme des ufologues hostiles au GEPAN se multiplient. Même le milieu scientifique manifeste de l'ostracisme : en , la revue Science et Nature conteste l'existence-même du GEPAN, vu les maigres résultats obtenus en 11 ans.
en une lettre d'information du CNES annonce la cessation d'activité du GEPAN qui est remplacé par le SEPRA, au sein de la Direction des Systèmes Opérationnels (Département Sciences). Le nom change, mais l'organigramme est maintenu (2 personnes à temps plein : le directeur Velasco et une secrétaire). À partir de ce moment cesse officiellement toute activité de divulgation (en particulier la publication de Notes Techniques qui ne sont plus accessibles au public), le Conseil Scientifique est supprimé et les objectifs sont modifiés : suivre les rentrées atmosphériques des satellites ; recueillir et pré-élaborer des informations sur les phénomènes aérospatiaux non-identifiés, en organisant des recherches, mettant les données à disposition des entités de recherche qui souhaitent les utiliser, dans le cadre éventuel d'une coordination d'études inter-disciplinaires.
en Jean-Pierre Petit attaque violemment le GEPAN dans son livre Enquêtes sur les OVNI : selon lui, la création-même du GEPAN n'aurait été dès le début qu'un paravent destiné à tranquiliser l'opinion publique et consentir à un groupe militaire secret la récolte et l'étude des cas les plus intéressants et développer des applications pratiques, comme la propulsion MHD (la grande passion de Petit) et l'utilisation de micro-ondes comme arme.