La foi ne cherche pas à expliquer la religion, elle la vit simplement. À côté de cela, les
personnes n'ayant pas la foi avançent diverses hypothèses à l'origine de la religion.
On distingue :
- Les hypothèses d'un besoin universel (HBU), présentant la religion comme une réponse à des
besoins partagés par tous les hommes. Des études anthropoliques montrent cependant que certaines religions ne
répondent pas à ces besoins supposés "universels". On répertorie dans cette catégorie les hypothèses du besoin :
intellectuel
HBI, selon laquelle la religion répond au besoin de fournir une explication à ce qui n'est pas compris :
- Explication des phénomènes naturels mystérieux : Les hommes sont perpétuellement témoins de
phénomènes qui semblent défier la raison. Quelle est la cause des orages, du tonnerre, des inondations, de la
sécheresse ? Qu'est-ce qui "pousse" le Soleil à travers le ciel et déplace les étoiles et les planètes ? Les
dieux et les esprits remplissent cette fonction explicative. Dans bien des cultures, les planètes sont des
dieux, et dans la mythologie romaine, le tonnerre était le fracas du marteau de Vulcain. D'une façon générale,
ce sont les dieux et les esprits qui font tomber la pluie et donnent de bonnes récoltes. Ils expliquent ce qui
échappe à notre entendement.
- Explication des phénomènes mentaux mystérieux : Les rêves, les prémonitions et la sensation
que les morts sont toujousr là (ils "apparaissent" fréquemment aux vivants) sont autant de phénomènes que nos
concepts ordinaires ne peuvent expliquer de façon satisfaisante. La notion d'esprit peut en rendre compte, car
les esprits sont des entités désincarnées semblables aux personnes vues en rêve ou dans des hallucinations.
Les dieux et un Dieu unique sont des versions plus sophistiquées de cette projection des phénomènes mentaux.
- Explication de l'origine des choses : nous savons tous que les plantes proviennent de
graines, que les animaux et les hommes se reproduisent entre eux, etc. Mais d'où vient le monde dans son
ensemble ? Nous avons bien une explication logique de l'origine de chaque aspect de notre environnement, mais
toutes ces explications ne font que s'enchaîner les unes aux autres, d'agent en processus, et ainsi de suite.
Nous sentons bien que cet enchaînement doit s'arrêter quelque part. La notion de Dieu incréé ou de premiers
ancêtres permet de constituer un point de départ.
- Explication du mal et de la souffrance : Pour tout être humain, le malheur demande à être
expliqué. Pourquoi le mal et la souffrance en général existent-ils ? Les concepts de destin,
de Dieu, les démons et les ancêtres fournissent une telle explication. Ils nous disent pourquoi et comment le
mal est apparu sur Terre (et proposent parfois des recettes pour y remédier).
émotionnel
HBE, selon laquelle la religion vise à sécuriser et à réconforter par rapport à :
- L'idée de la mort : Les hommes sont tous conscients de leur mortalité. Comme la plupart des
animaux, ils ont diverses façons de réagir aux risques mortels : fuir, s'immobiliser, se battre. Mais ils sont
sans doute les seuls à savoir que, quoi qu'il advienne, ils vont mourir un jour. Et c'est une angoisse pour
laquelle la plupart des religions offrent un palliatif, si fragile soit-il. Les dieux, les ancêtres, les revenants découlent de ce besoin d'expliquer la mortalité et de la rendre
plus acceptable.
- La pénibilité de la vie : Il est dans la nature des choses que la vie soit dure, brutale et
courte pour le plus grand nombre, et elle ne l'a jamais autant été qu'à l'époque lointaine où nos ancêtres ont
élaboré des concepts religieux pour la première fois. Ceux-ci apaisent l'angoisse en fournissant un contexte
dans lequel la nature de l'existence est soit expliquée, soit dépassée par la promesse d'une vie meilleure ou
du salut.
social
HBS, selon laquelle la religion répond au besoin d'organiser la vie sociale, d'influencer le comportement des
hommes, en tant que :
- Ciment social : Selon la formulation cynique de Voltaire :
Si Dieu n'existait pas, il
faudrait L'inventer.
La société ne formerait pas un tout si les hommes ne partageaient pas un noyau
central de croyances qui les unit et fait que les groupes sociaux fonctionnent comme un tout organique, et non
comme un aggrégat d'invidus égoïstes.
- Perpétuation d'un ordre social particulier : Les églises et les autres institutions
religieuses sont un pilier de l'ordre politique. C'est surtout le cas lorsque des régimes totalitaires
s'appuient sur des justifications religieuses. Les concepts religieux sont là pour convaincre les opprimés
qu'ils ne peuvent rien faire pour améliorer leur sort (c'est leur destin) sinon
attendre la récompense promise d'un autre monde.
- Garantie de morale : Ancune société ne pourrait fonctionner sans préceptes moraux, car
ceux-ci unissent les hommes et s'opposent au crime, au vol, à la tricherie, etc. La menace d'un châtiment
immédiat ne suffit pas pour faire respecter une loi morale, puisque chacun sait qu'on peut s'y soustraire. La
peur de Dieu incite à bien se comporter parce qu'elle suppose une surveillance perpétuelle et des sanctions
éternelles. Dans la plupart des sociétés des êtres surnaturels (esprits, ancêtres, etc.) sont là pour garantir
que les gens se conduisent bien.
- L'hypothèse de l'illusion, selon laquelle les gens pensent généralement peu ou mal, et laissent
toutes sortent de croyances injustifiées encombrer leur esprit. Cette hypothèse s'appuie sur l'idée que :
les gens seraient superstitieux et croieraient à n'importe quoi
Ils seraient naturellement enclins à avaler toutes sortes de récits étranges. Ils préfèrent les ovnis à la cosmologie scientifique, l'alchimie à la chimie, les légendes aux
récits factuels. Les idées religieuses sont à la fois simples et sensationnelles ; elles se comprennent sans
difficulté et excitent l'imagination.
les idées religieuses sont difficilement réfutables
Il faut beaucoup plus d'efforts pour réfuter et repenser les idées en vigueur que pour les accepter. En outre,
dans la plupart des domaines de la culture, nous nous contentons d'absorber les idées des autres. La religion ne
fait pas exception. Si tout le monde dit que les morts rôdent autour des vivants et se conduit en conséquence, il
est plus facile d'accepter ces idées, même provisoirement, que de les vérifier soi-même.
- L'hypothèse du filtre cognitif (HFC) s1Boyer 2001 , selon laquelle les
religions existantes ne sont que le résultat d'une sélection, d'un "tri" naturel du cerveau parmi une infinité de
religions possibles.